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17 juin 2013

Semaines 38, 39 et 40

Semaines 38 et 39 - Les éleveurs de rennes Déjà à travers la vitre du Transmongolien, je les contemplais. Déjà, c'est le nez collé aux carreaux, et à travers ma propre buée, que j'eu mon premier aperçu de la Mongolie. Plateaux plats comme son nom l'indique, secs et sans couleur, vastes et sans vie. C'est les yeux déjà pleins de questions que j'admirais cette si fameuse "steppe". Ça n'avait rien de miraculeux, rien d'extraordinaire mais c'était curieusement enivrant. Puis au bout de ces longues étendues, comme posée bizarrement, la capitale s'annonçait. Rien ne collait, je m'attendais presque à voir la ville décoller et rendre à la steppe sa liberté sauvage et son vide caractéristique. En arrivant à la gare d'Oulan Bator, c'est le vent qui m'invita le premier, rendant ma coupe de cheveux transmongolienne encore plus farouche, plissant mes yeux loin derrière leurs poches, infiltrant mes vêtements poisseux d'un froid sibérien. Oggy (retenez bien ce prénom qui aura son importance par la suite), non pas un cafard mais capitaine du paquebot "Golden Gobi guesthouse" accueillait de ses petits panneaux et de son sourire hypocrite, les chanceux de la loterie qui ont réservés à l'avance dans son auberge de jeunesse. Auberge de jeunesse "comme à la maison", cuisine américaine et salon en bois, dortoirs et salle télé, bref une espèce de grande colocation dans laquelle une dizaine de nouveaux voyageurs arrivent tous les jours. Des rencontres à la seconde, des amis de voyage, ces liens à la fois solides et légers, permis par le partage d'une même expérience. Éphémère. Je me rends vite compte de la difficulté de tenir ce rythme de voyage. Je n'avais ni guide touristique, ni quelconque idée de la monnaie locale, des coutumes, rien. Je n'avais rien lu, je ne savais pas où je voulais aller, et ça ne me stressais pas, j'avais confiance. Je sais combien les opportunités sont nombreuses, combien les événements inattendus ont guidé mon voyage bien plus que mon Lonely Planet. Une seule idée était dans ma tête: traverser la Mongolie à cheval, un cheval que je voulais acheter. Je me suis vite rendue compte que ce plan demandait beaucoup plus d'organisation que je ne disposais de temps. Mais ce sera pour le prochain voyage, c'est certain. J'ai donc décidé de quitter la capitale, après avoir arrangé mon visa Russe à coup de gros billets, avoir acheté mon ticket de Transsibérien pour Irkutsk le 13 Juin et avoir rencontré des dizaines de personnes fabuleuses venant des 4 coins de la planète. Italie, Chine, Afrique du Sud, Grande-Bretagne, France, Allemagne, Hollande, Agnès, Tim, Léon, Lorenzo, Martin, Et... Merde, j'ai déjà oublié leur prénom. Les prénoms, les nationalités, ne comptent pas vraiment, on oublie parfois de se les demander, sachant pertinemment qu'on les oubliera. C'est cependant un amour fraternel qui nous lie rapidement et à chaque fois, ce sentiment d'appartenance à la même famille, partageant tout, du matériel à l'immatériel, la crème anti douleur aux tranches de rigolade, la bière comme son histoire, la vodka comme les souvenirs, le temps comme les massages, en passant par les cartes SIM, les dîners, les photos et j'en passe. Le dernier échange reste le câlin d'au revoir, bien plus approprié que la bise française, et s'envolent alors petit à petit les noms, les visages, même si reste gravé à jamais le sentiment d'avoir appartenu, en Mongolie, à une grande famille d'adoption. Oggy n'a pas voulu m'aider, trop occupée avec les seules personnes importantes : ceux qui réservent un tour avec elle. Le Dimanche, je pars donc pour le fameux lac Kovskol, en bus, et déciderai là-bas de la suite. Loren, Lorenzo et Martin ont constitué ma team. Les 18h de bus avaient commencées sur la route, et, soudain, comme piqué par une mouche bizarre, il l'a quittée pour rouler sur l'herbe de la steppe. Déjà, les paysages arrondies de collines, l'herbe jaunie, les troupeaux de chevaux en liberté, une yourte tous les 5 kilomètres, et l'imagination qui s'emballe derrière ces étendues fantastique. On arrive au petit matin à Moron, sans plan précis, mis à part rejoindre le lac. Nous nous mettons à chercher: marché, transport, station de bus et office touristique, mais nous ne trouverons rien. Se repérer sur le plan? Impossible. Après avoir passé deux heures à tenter de s'orienter dans cette ville fantôme, nous finissons par abdiquer, déposant nos sacs et nos fesses dans une petite maisonnette bleue, comparable à une cabane pour enfant, qui s'activera, crachant sa fumée, pour nous préparer un petit déjeuner: des raviolis frits fourrés à la viande. Plus tard, par chance, nous rencontrons dans la rue un Mongol, Tuk, qui se propose comme guide pour nous emmener à la rencontre du peuple nomade éleveur de rennes, à plusieurs jours de route. Situés à l'Ouest du Lac, dans un parc national protégé, ils ne sont plus que 400, vivant dans des tippies et se déplaçant sans cesse. On a déjà des yeux qui pétillent d'envie, on s'empresse d'organiser tout ça dans la cabane. Tuk nous trimballe en voiture: permis, courses , banque, station de bus, puis guesthouse. Nous partons dès le lendemain. Le Mardi 21 Mai, ce n'est pas une jeep qui vient nous chercher, ni van, ni pick up mais un monstre tatoué de l'inscription "Racing Sport". La couleur était annoncée. Quatre roues énormes, des suspensions tel un boggy, la portière à presqu'un mètre du sol, on monte dans ce minivan "russe". Se doutant de rien nous avons sorti notre jeu de carte, profitant des sièges se faisant face à l'arrière et de la petite table au centre. Après quelques minutes à jouer tranquillement, le minivan quitta la route goudronnée pour s'engager dans l'herbe, les trous, les fossés, les rivières, les cailloux, les lacs glacés, décollant, volant, se rattrapant, sautant dans la steppe tel un mouton enragé, quittant le sol toutes les trois secondes. "Mara" était au volant, un conducteur hors paire, presque debout plus qu'assis, faisant de grands gestes de gauche à droite avec ses bras pour maintenir la direction et déjà en sueur de la tête au pied. On a vite lâché nos cartes pour s'accrocher à la première chose qu'on trouvait. On a fini par attacher la Gopro sur le parc-choc: c'était du vrai Racing Sport. Notre but étant de rejoindre les éleveurs de rennes, il nous faut d'abord rejoindre la forêt, puis continuer à cheval. Après avoir fait une halte pour la nuit, nous repartons pour notre deuxième journée de route, toujours au son du CD 3 titres de Tuk, qui commençait déjà à faire grincer des dents. Les chants traditionnels, le rap ou la musique électronique mongols, j'aime bien, mais là, on se rapprochait du lavage de cerveau, volume à fond. Vers midi, le Mercredi, nous arrivons à la lisière de la forêt, dans un ranch dominé d'une maison en bois. On nous offre pain et thé au lait à volonté, sourires, attention et chaleur humaine à déborder. Qu'ils sont beaux ces mongols. Pendant que nous cuisinons avec Loren, les mecs sont restés à l'extérieur regarder les mongols attraper au laceau nos chevaux. Ce fut un beau spectacle. Après avoir mangé, Lorenzo faisant la vaisselle se verra sermonné par Tuk, "Oh my god, is it like this in your country? Women don't make the dishes?". On nous attribue ensuite nos montures en fonction de la longueur d'étriers de leurs scelles. J'ai de la chance, je monte le cheval le plus gentil sur une scelle russe, c'est-à-dire plus de coussins que de cuir. Lorenzo, lui, a moins de chance, il a la scelle mongole en bois. Difficile challenge pour une première fois à cheval. C'est sous la pluie que nous partons pour 4-5h de cheval. Si je n'avais pas laissé mon esprit critique en Chine, j'aurais dis qu'ils montaient les chevaux à leur manière, accrochés aux dents du cheval qui, en lutte perpétuelle, fini par saigner de la bouche. En Mongolie le cheval n'est qu'utilitaire. Le beau cheval blanc monté par Mara déjà m'obsède, j'ai bien demandé à essayer de le monter, on m'a simplement répondu d'un rire. Et d'un "Wild horse". Les fesses en compote et les doigts gelés, nous apercevons soudain un objet blanc non identifié au loin. Intrigués et perplexes, ne sachant si on s'apprête à affronter un loup ou un chien, on finit par distinguer notre premier renne. Bien plus petits que ce que j'imaginais, c'est tout un troupeau qui se fendra sur notre passage. Un instant magique, inoubliable, où l'irréel devient palpable. Nous sommes invités dans un tippie sous lequel nous passerons deux nuits. On nous offre à manger et à boire, et grâce à Tuk nous pouvons échanger quelques questions avec le vieil homme qui nous accueille. Il nous explique qu'ils bougent 4 fois par an, qu'en hiver lorsqu'il fait -55 ils montent des tippies plus petits pour se rapprocher du poêle au centre, qu'un tippie ne met que 15 minutes à être monté en moyenne, qu'ils ne se nourrissent essentiellement que de farine, de vodka, de lait et de viande. (5 fruits et légumes par jour? Échec) La balade au soleil couchant offre des couleurs splendides sur ces beaux rennes aux bois parfois couverts de fourrure, parfois nus, parfois inexistants. C'est avec la sensation que le père-Noël va se pointer demain que je me couche, entre Mara et Loren, tous allongés et serrés comme des sardines en étoile autour du poêle. La vieille femme nous regarde nous endormir, assise, après nous avoir couverts de tous les vêtements et manteaux qu'elle a pu trouver. Je me souviens avoir passé des nuits glaciales dans ma vie. Celle d'Amsterdam sous tente avec Nanou, pataugeant dans la flotte il y a bien 4 ans, et celle sans tente si couverture avec Tifenn en colo sur une plage de Grèce, il y a 8 ans. Cette nuit-là rentre facilement dans le top 3, je n'ai pas fermé l'œil de la nuit tellement le froid se collait à moi. Ce grand mystère planait alors dans ma tête comme seule compagnie : comment font-ils pour dormir à -55? Je compris comme le mental à ses habitudes, comme le corps s'adapte, comme la nature est incroyable. C'est cette vieille femme qui m'a tirée de mon cauchemar, avec le simple son de la porte du poêle qui s'ouvre, y glissant la première bûche matinale. Un renne aux bois majestueux passe sa tête dans le tippie. Vais-je me réveiller ? Après un petit déjeuner à base de pain et de "chai" (thé salé au lait), nous partons à la découverte de ce monde magique, s'attendant à tout moment à tomber sur le traîneau du grand barbu. Après avoir observé les femmes traire les rennes, après s'être invités dans un autre tippie, avoir admiré la peau de loups chassés, nous sommes montés à cheval, profitant de nos montures pour aller contempler les alentours. Un lac gelé, entouré par des rennes, une vue splendide en arrière-fond, des montagnes enneigées: un rêve éveillé. Nous descendons de cheval, partageons un peu de vodka proposée par Tuk et Mara, qui nous ont trouvé des noms mongols à chacun, je serai "Mourkgritz" (Forever Light), à côté de mes amis Forever Acts, Forever Happy et Forever Flower. Je profite de ce moment convivial, allongée dans l'herbe, pour demander à peine perdue de monter le cheval blanc. Ce sont des rires qui accompagnent par requête: rejetée. Tuk m'affirme pourtant: "tomorrow". Après avoir été au petit marché local organisé pour notre venu (deux couvertures sur le sol et des objets artisanaux), nous avons assisté à la préparation de 10 rennes, scelles sur le dos, qui sont partis avec le vieil homme de notre tippie chercher une famille. À leur retour, ils se sont empressés de monter leur tippie, à peine étions nous allés chercher nos appareils photos qu'ils avaient fini. C'est là que Mara proposa à Martin de monter à cru son cheval blanc, puis à Lorenzo, puis les deux en même temps, des chutes, des rires, et deux dégoutées. Ils n'étaient jamais monté à cheval avant hier. En rentrant au tippie, les garçons s'excusent, adorables qu'ils sont, d'être des hommes et d'avoir plus de chance. Mais lorsque j'entre dans le tippie, la gente masculine assise autour du poêle me regarde, et Tuk de le lancer : " Mourkgritz, Wood" tout en pointant le tas de bois dehors. C'est en souriant que je me suis appliquée à servir ces messieurs, c'est la culture, c'est comme ça, et Loren, solidaire, est venue me prêter main forte. La deuxième nuit fut moins catastrophique, achevée également par le son du bois crépitant dans le poêle. Toujours pas de père Noël. Le vendredi, nous repartons donc en direction de la lisière de la forêt, à cheval. Lorenzo, l'arrière-train malmené par le bois de sa scelle, n'en pouvait plus, je lui proposai d'échanger nos montures. Je connue alors sur 3h sa souffrance des dernières 48h. Lui, m'avoua que je venais de faire la chose la plus merveilleuse depuis notre rencontre. Je m'explique: Étriers si petits que mes talons touchaient les fesses, fesses trop grosses pour tenir entre les deux arcs de cercle en bois, bois de la scelle qui me rentrait dans les cuisses, cuisse en tension permanente pour maintenir le cheval, cheval si petit qu'il était impossible de différencier le trot du galop. Bref, tenir en équilibre relevait de l'impossible. Le trot enlevé me faisait raterrir sur la croupe, la position en équilibre me donnait l'impression d'être funambuliste. J'enlevai donc les étriers et fit travailler mes abdominaux, lesquels étaient en réajustement constant, mes fesses glissant de part et d'autre du canasson. En arrivant, je dû réapprendre à marcher. Après le déjeuner, j'osai demander une dernière fois de monter le cheval blanc, qui, loin d'être sauvage et dangereux était simplement apeuré et brutalisé. Après une vive concertation, j'ai eu la possibilité de monter, poser mes fesses, sourire, et redescendre: "finish" m'a dit Mara, après 5 secondes et 3 respirations. C'est mieux que rien, je suis descendu, entendant Mara répéter : "dangerous". C'est toi qu'est dangereux mon grand, dans ma barbe. Nous repartons en mini-van, avec quelques tensions, déjà le plan budgétaire établi trois jours auparavant demandait à être revu. On démarre, Tuk met la musique encore plus fort pour montrer son mécontentement, et nous de nous boucher les oreilles comme on peut, les deux mains déjà occupées â s'accrocher. Le chemin retour sera merveilleux en paysage, assourdissant en musique, et destructeur du coccyx. C'est en direction de Katgal que nous roulerons toute la journée, ville en bordure de lac, fin de notre "tour" avec Tuk et Mara, que nous atteindront le lendemain soir. Plusieurs péripéties ont pimenté la journée: - Panne N1: lorsque nous traversions une rivière, nous resterons coincés dans 1 mètre d'eau, le pot d'échappement faisait des bulles. - Panne N2: lorsque nous montions une pente boueuse, nous devrons pousser le minivan, et le rejoindre à 20 minutes à pied lorsqu'il aura réussi à repartir, -Panne N3: lorsque nous roulions sur le lac gelé et qu'il a fallu pousser et aménager un pont en bois pour faciliter la montée Après divers événements comiques du lendemain matin suivant, comme le vol de la tente des garçons, la recherche de la dite tente toute la matinée, nous sommes répartis pour une nouvelle journée de minivan enragé. A l'heure du dîner, nous sommes accueillis dans une maison de bois le long du lac Kovsgol, lac qu'on apercevait pour la première fois. Surprise: Tuk et Mara nous demande de les payer immédiatement et en totalité. Après avoir protesté, s'être indignés, nous avons fini par nous exécuter, ayant guère le choix. Une demi-heure plus tard, ils réclament alors davantage d'argent, n'ayant pas réussi à s'en tenir au budget. Encore une fois n'ayant pas le choix, nous nous résignions, après maintes négociations et un ton montant, nous payons l'essence manquante. En chemin, Martin et Lorenzo descendrons pour camper et rejoindre la ville le lendemain à pied tandis que Loren et moi sommes déposées à Katgal. Contentes de dire adieu à ces deux c***, nous sommes accueillies dans une belle yourte déjà chauffée, dans laquelle nous nous reposerons toute la journée du lendemain, en attendant les garçons. Papotage, shopping et cuisine, des trucs de fille quoi. On a même pu aller sur internet, une femme qui prête sa clé 3G et son PC: c'était assez étrange de se pointer chez elle comme ça, ouvrir la porte sans frapper (malpoli de frapper), accepter la nourriture proposée (malpoli de refuser), et sans mot dire, s'installer devant son PC portable. Autre fait bizarre: la douche. J'ai pris la douche au sceau en Thaïlande, dans la rivière à bien des endroits, au robinet ou au pommeau, mais là... C'était un système de pompe, il s'agissait de danser pour faire arriver l'eau, marchant sur les deux pompes reliées au pommeau. La danse de la pluie. Plus tard, en voulant rejoindre Loren au centre-ville, c'est bien ma veine, Tuk et Mara réapparaissent, me klaxonnent et se proposent de m'emmener en moto. Blague! C'est coincée entre ces deux rigolos que nous nous dirigeons au centre-ville. Une fois Loren retrouvée, nous réussissons à les semer et rentrons à notre yourte pour cuisiner. A l'heure du dîner, attendant toujours les garçons, ce sont de nouveau nos rigolos qui entrent dans notre yourte. Sûrement rêvaient-ils en couleur, pensant qu'on leur proposerait à dîner, comme le fait toute femme mongole qui reçoit un invité dans sa yourte. Ils s'allongent sur nos lits, prennent mon bouquin ou le journal de bord de Loren, échangent quelques phrases en mongol puis finissent par partir. On explose de rire. Et on explosera davantage de rire lorsque nous raconteront ça au garçons une heure plus tard. Nous sommes lundi 27 Mai, nous devons trouver un moyen de nous rendre à Moron à 100km car un bus nous attend pour rejoindre Oulan Bator, à 14h. Lors du petit déjeuner, Mara et Tuk débarquent de nouveau, confirmant les dires de Loren et moi, les garçons nous croyant à peine la veille. Ils s'installent comme à leurs habitudes, et repartent, nous disent au revoir, ils quittent Katgal. Bon vent. La femme de la guesthouse nous arrange une jeep pour Moron, tandis que nous partons relever un défi avant de partir: piquer une tête dans le lac gelé ! Bagages faits, tête piquée, ossements ramassés comme souvenir, nous attendons notre chauffeur pendant près d'une heure. Le temps passe et personne n'est là, arriver à temps relève tout à coup du challenge. Puis, un minivan arrive dans notre direction, et la femme nous annonce que notre chauffeur est là, il s'appelle Mara. Semaine 40 - Volontaire dans une famille mongole Le trio Laundry/Shower/Visa a échoué! Mes seules motivations de retourner dans la capitale. Je ne pouvais organiser quoi que ce soit seule (trop cher) depuis la lac Kovsgol vu qu'il n'y avait pas de touriste, mais j'espérais pouvoir squatter des heures la douche chaude, sentir autre chose que le bouc pourri, et récupérer mon identité auprès de l'ambassade. Et puis, surtout, trouver un endroit où je pourrais faire du volontariat. Après une journée à regarder nos photos sur grand écran, devant un dernier repas tous ensemble, se faire engueuler par Oggy pour la présence des mecs qui ne restaient pas pour la nuit, ils partent en moto tandis que Loren s'envole pour l'Inde. Je prends mes clic et mes clac pour changer de guesthouse, le Golden Gobi est complet le lendemain. Je rencontre Soko à "Ub Guesthouse", qui me trouvera ce que je cherche: une famille auprès de laquelle je pourrai rester, dormir, aider, apprendre. Tout est organisé pour le lendemain même, c'est elle-même qui m'emmènera, à 150km de la capitale, prix fixé au kilomètre. L'esprit léger, je rencontre de nouveau des voyageurs attachants, Juuso un finlandais, un couple d'Autrichiens, 4 français, d'autres finlandais, et c'est autour d'une table de 15 que nous passerons la soirée à rire, boire vodka et vin rouge et à partager un super dîner, comme si nous nous connaissions depuis 10 ans. Après avoir acheté des cadeaux pour la famille dans laquelle je vais, je monte dans la voiture de Soko et relève le kilométrage, en ce Jeudi matin. Soudain, en route, elle s'arrête et demande à être payée immédiatement et en totalité. Comme une impression de déjà vu, je refuse, non je te paierai une fois arrivées. Les larmes aux yeux, elle me dit qu'on fait demi-tour. Je la paye en m'excusant de l'avoir blessée, je n'avais pas l'intention de la voler, l'argent n'a pas d'importance. En réponse, elle sort de ses gongs, s'énerve toute seule, monte en grade, crache son venin destiné à je ne sais qui, et, comme finalité:" yesterday you were nice, today you're like... like... an OLD woman". Bim dans tes dents. J'ouvre la portière, donne libre court à ma susceptibilité (y a des choses qui changent pas), puis ravalant ma fierté, remonte dans la voiture, et sans mot dire, repartons pour la famille en question. "Non ma grande je ferai pas demi-tour à cause de toi". C'est paradoxalement à ce moment précis que je me suis sentie d'une force invincible. Sur les derniers 50 km nous roulons sur l'herbe de la steppe, entre chevaux et moutons, collines et rares yourtes, un puit, un pont, quelques poteaux électriques, et des étendues de plaines à perte de vue. En chemin, voulant rétablir le contact, Soko tente de me faire parler, jouant même la surprise lorsqu'elle apprend mon jeune âge. La couvrir de mon sarcasme aurait été inutile. Nous nous arrêtons devant une yourte, seule au monde. "Namda", une jeune femme, m'accueille avec le "chai" habituel (thé au lait salé), le pain et la crème de lait (du beurre). On me présente Bolt, son mari, et la petite Namona, leur fille de 4 ans, qui se met à tourbillonner des mains et faire des nœuds avec ses doigts lorsque je lui offre son carnet à dessin. Après quelques échanges traduits par Soko, j'ai pu comprendre qu'ils venaient de ramener et tuer une chèvre sur le palier pour moi. Ils sont en train de la dépecer, la vider, nettoyer les tripes, et faire bouillir le tout qui sera notre dîner. Comment vous remercier? Vous l'aurez compris, en Mongolie on ne refuse jamais la nourriture proposée, c'est impoli. Alors il a fallu que j'accepte tout: tripes du soir à 18h, tripes du matin à 8h, réveillant mes narines en sursaut, le cœur faisant un bon dans ma poitrine, opprimant l'estomac qui remonte jusqu'à la gorge. J'implore des yeux, mais accepte des mains. À vrai dire, le jour de mon arrivée, le Jeudi 30 Mai, malgré l'épisode "Soko", j'ai tout de suite été enchantée par mon arrivée. Adorable, Bolt me fait signe de le suivre sur sa moto, avec Namona. Il nous emmène, cheveux au vent, à travers la steppe aller chercher les moutons à un ou deux kilomètres, et, arrivés à leur hauteur, tout à coup Bolt fait jaillir de sa trachée des bruits d'animaux censés effrayer les bêtes et les ramener vers la yourte. À ma grande surprise, je me mets à hurler à mon tour, laissant s'échapper de mes poumons des cris de toute sorte. Et ça soulage. Après les moutons, Bolt nous a conduit encore plus loin, sur le haut d'une colline où des meubles s'entassaient les uns sur les autres, et une yourte en construction. Nous avons prêté main forte et ils ont trouvé le moyen de m'offrir manger, again. En bref, c'était un bon début. J'avais hâte de voir ce que me réserverai le lendemain. Ne parlant pas anglais, la première soirée fut timide, puis, nous avons au fil du temps pris l'habitude de faire de la pantomime, communication basée sur des déductions, images et énigmatiques interprétations. Mon Lonely Planet et ses "mots-cles" salvateurs en mongol était en libre service, et est passé dans toutes les mains. Un jeu intéressant et très enrichissant, même si frustrant. Le lendemain matin, Namda me couvre du manteau traditionnel violet, ceinture orange, incroyablement chaud et confortable. Ça y est je suis une locale. La journée commence par le lait: Namda m'a emmenée traire les vaches, une catastrophe. Je me débrouille comme un pied, m'y reprenant à trente fois avant de voir une goutte de lait sortir de son pie, et ai fini par faire tomber le sceau lorsque j'avais réussi à accumuler quelques millilitres. Namda prit alors ma place, et en à peine 1min30 avait déjà récupéré deux litres de lait. Pendant que Namda cuisine, Bolt découpe le bouc en morceaux et fait sécher la viande dans les croisements de bois que forme la yourte, à côté des chaussettes. La tête du bouc est à l'entrée, la trachée léchant le sol. On m'invite à balayer au râteau l'extérieur, ramasser les poils de moutons, les morceaux de laine qui sont tombés, parsemant le sol sur une centaine de mètres tels des flocons de neige: let's go! Je demande s'ils se servent de ces morceaux de laine pour faire des vêtements ou des couvertures, elle me dit oui. Puis, elle met le feu au tout. Ah bon bah non. Le voisin arrive à cheval vers moi et me fait signe de monter sur un magnifique cheval noir. Nous partons au galop dans la steppe à plusieurs kilomètres. Quelle sensation de liberté incroyable. À la gauche, un troupeau de chevaux en liberté galope à notre hauteur 500 mètres plus loin. Quelle magie. Nous nous rapprochons de l'immense troupeau de moutons que nous devons ramener: "Cris d'animaux et hurlotherapie", Episode 2. Mon compatriote de cavalerie sort mon harmonica de sa poche, s'en sert pour surprendre les bestiaux et ça fonctionne encore mieux! Après avoir bien ri, nous asseyons 10 minutes au sol, fumant une cigarette et repartant comme nous sommes venu, au galop. Quel bonheur de se sentir considérée d'égal à égal, avoir le droit de monter à cheval. Les scelles en bois, m'ont valu deux bleus entre les cuisses, les ischions débordant de part et d'autre de la partie en bois, les étriers toujours aussi courts, mais un cheval vraiment agréable, bien dans sa peau. On sent qu'ils étaient moins brutalisés. C'est sa femme qui m'invitera ensuite à la suivre jusqu'à sa yourte, à ramasser les pelures de moutons de son enclos, déjeuner et, comme si je pouvais emmagasiner plus de nourriture, elle m'offre pour la route un morceau de lait fermenté solide supplanté d'une bonne dose de beurre. J'apprends par la suite à cuisiner les "booses" ou "momo" ou "dumplings", en me jurant que je n'en mangerai pas, vu la quantité de graisse qu'ils fourrent à l'intérieur (80% pour 20% de viande). Encore une fois, on ne peut pas refuser. Ça commençait à devenir compliqué. J'ai réussi à vider à deux reprises mon bol de graisse animale dehors, car vraiment c'était inconcevable que j'avale ça. S'en est suivie une course aux veaux que l'on attache pour la nuit, gardant les mères à traire non loin. Le lendemain suivant, je fourre brosse à dent, lingettes, culotte dans mon sac, et pars dehors dans l'espoir de ne pas marcher trop longtemps avant de trouver une rivière. Pas d'arbre, ni rivière, ni même bosquet innocent derrière lequel se cacher. C'est-à-dire que même si j'enlève ma culotte à deux kilomètres, on verra le blanc de mes fesses. C'est là que le manteau traditionnel prend toute son utilité, il tombe jusqu'aux pieds et permet aux Mongols de ne pas montrer leur derrière à tout bout de champs dans la steppe. Je m'assois pour contempler la steppe du matin, vaste et régulière, s'étendant à perte de vue. Entourée de ces dizaines de petites taupes qui courent discrètement autour de moi (quand je dis autour c'est dans un rayon d'un kilomètre), je les regarde mener leur petite vie, le soleil du matin me réchauffe, le silence m'apaise, la brise caresse mon visage et le timide chant des oiseaux chantent ma bonne humeur . Une belle journée qui s'annonce. Bizarrement, Namda ne m'a pas attendu pour aller traite les vaches, étrange. Bolt revient avec un agneau dans les bras qu'il libere dans la yourte, Namona joue avec, Namda lui fait des bisous. Je n'ai jamais réussi à savoir l'objet de la visite de notre invité. Après quoi, tout en épluchant des patates, j'observe Namda qui prépare une potion de perlimpinpin, mélangeant eau et poudre verte avec une brosse à dent dans un verre: elle se fait une coloration! On me demande d'abandonner mes patates pour l'aider. On me fait signe d'y aller franco mais lorsque je renverse le bol sur sa tête ça n'avait pas l'air d'être ce qu'elle espérait. En fait c'était son anniversaire. Les voisins sont arrivés plus tard avec un carton rempli de bières, et, le bide en vrac, c'est très timidement que je l'ai acceptée. Mais la 2ème puis la 3ème étaient vraiment de trop, et, toujours, le refus impossible, j'ai du vider la dernière dehors tellement leurs yeux étaient rivés sur moi: FINI!!! Le lendemain matin ce seront trois shot de vodka qu'on me tendra, et même topo, pas de refus, et, encore moins la vodka que viennent d'offrir nos invités! Déjà le troisième jour mon estomac faisait une crise de nerf. Le soir qui suivi, un curieux invité sera hébergé par Bolt et Namda. Curieux invité qui, au milieu de la nuit est venu squatter mon lit. J'allume la lumière, outrée par les techniques d'approche mongoles, lui montrant son lit, il me répond "I love you, chuuut, I love you". Y a pas de "je t'aime" qui tienne, retourne dans ton pieu. À force d'insister, il est réparti comme il est venu, sur la pointe des pieds. J'ai pas fermé l'œil de la nuit, hallucinée plus que craintive, j'avais déjà hâte de raconter ça à Namda. Elle ne cessera pas de rire. Plus tard, alors que nous travaillions à construire un enclos en bois, Bolt m'a fait la plus belle des surprises : il s'est mis à agiter les bras, parler en mongol, me montrer les moutons et me tendre les rennes du cheval. J'ai cru mal comprendre, ce qui pouvait être fort probable, mais Namda arrive et confirme ce qui me paraissait inconcevable. Il me demandait d'aller chercher les moutons à cheval et de les ramener, seule. Quel bonheur, quelle liberté, quelle sensation de plénitude que de galoper dans la steppe sur mon cheval, pour aller ramener les moutons en poussant des cris d'animaux sans me soucier du "qu'en dira-t-on". Six jours se sont écoulés comme ça, avec beaucoup de nouvelles expériences, de surprises et de rebonds, de galère, de fous rires, de communication partielle, d'apprentissage. Cuisiner du beurre, du fromage blanc, toute sorte de choses à base de farine et d'huile, le chai et la soupe, etc.. J'ai eu l'occasion de me brûler maintes et maintes fois au poêle, de perdre la sensation de la première phalange du majeur (à force de découper la viande) qui après deux semaines n'est pas revenue, chanter des chants traditionnelles Français contre kazakh (À vous dirai-je maman, je sais, j'aurais pu trouver mieux), et tellement d'autres choses. J'ai également offert à Namda mon parfum Dior "J'adore", me faisant toujours le signe "pchit pchit" lorsqu'elle parlait de Paris, je me suis dis que ça lui ferait plaisir. Bien que le "merci" soit rarement utilisé en Mongolie, elle n'a pas arrêté de me répéter "Bairla" pendant tout la journée. Si elle savait tout ce qu'elle m'a offert à moi.. Le Mercredi 5 Juin, Soko est venue me chercher, toujours aussi aimable. Je dis au revoir à la famille avec beaucoup d'émotion, c'était fabuleux.
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  • " Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu'il se suffit à lui-même. On croit qu'on va faire un voyage, mais bientôt c'est le voyage qui vous fait, ou vous défait. " N. Bouvier
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