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* En vol *

25 juillet 2013

Le retour

26/06/2013: Les trois dernières semaines m'ont projetée dans un autre monde: l'Europe. La maison. Le Retour. Avec un grand R. Aujourd'hui je suis en Estonie et m'apprête à en sortir déjà, sous peu. Je n'arrive pas vraiment à y croire, ma tête étant restée quelque part en Asie. Durant cette année de voyage, le "Retour" m'a toujours paru un peu irréel, m'apparaissant parfois sous les traits d'un rêve, parfois d'un cauchemar, un songe qui a souvent habité mes nuits et agité mes réveils d'émotions contradictoires. Et il est là, devant moi, il me tend les bras ce Retour. Et je ne sais pas trop quoi faire de ces embrassades éphémères, et qui me paraissent anticipées, je n'arrive pas vraiment à imaginer ce qui se cache derrière ce gros bonhomme qu'est le Retour. Traquenard? Piège à rat? Est ce que la réalité va me gifler en retour, est ce qu'une cage arrivée de nulle part va se refermer sur moi, est ce que le revers de je ne sais quelle médaille va me faire payer mon enthousiasme ? Beaucoup d'appréhension, un nouvel "Inconnu", pourtant le plus familier d'entre eux, se dresse de nouveau sur mon chemin. Même si de nombreux inconnus ont déjà croisé ma route, celui là a ça d'impressionnant que je suis censée le connaître par cœur et plus que tout. C'est mon chez moi. Et c'est peut être ça qui est terrifiant: et si tout avait changé? On dit qu'un retour se prépare autant, voire plus, qu'un départ. On dit qu'un voyageur ne rentre pas chez lui, c'est une autre personne qui rentre à la maison. Mais c'est qui cette autre personne? Est ce qu'on va l'accepter à ma place? On dit beaucoup de choses, on en entend d'autres. Des questions j'en ai plein mon cartable et bizarrement, je les aime. Car cette peur de l'inconnu, qui a voyagé avec moi si longtemps et qui m'est aujourd'hui familière, comme la plus fidèle amie, cette angoisse que j'ai appris à apprivoiser avec le temps, c'est elle qui me fait me sentir vivante.

Durant c'est trois dernières semaines j'ai pris mes deux derniers trains, ai rejoint Moscou, Saint Petersburg avant de commencer le stop pour l'Estonie. Dans ce long, très long, dernier article: Allez hop, en voiture !

Semaine 45, 46 et 47 De la Russie à l'Estonie

La dernière semaine en Russie

De justesse j'ai pu changer mes billets de train: je passerai une seule journée à Moscou et trois jours à St Petersburg. De justesse car mon train allait partir, heureusement un contrôleur russe m'avait pris sous son aile, négocié avec les caissières pour échanger mon billet, tout ça avec des gestes vu qu'il ne parlait pas anglais, puis courir sur le quai attraper mon train, même avec sa jambe gauche qui boîte. Je le remercie, et, en sueur, je monte dans mon troisième plazkartz de Transsibérien. Je suis lucide, j'ai ma nourriture, et en 4 exemplaires cette fois-ci: on s'améliore! Déjà un Russe m'accoste, m'assomme de questions sans me laisser respirer alors que je n'ai déjà pas assez d'espace pour me défaire de mon sac. Ce spécimen, c'est Ranis: 20 ans, anglais suffisant pour avoir une conversation, il sort à peine de son service militaire obligatoire d'un an , il rentre chez lui. Spécimen car il arrivera à me faire me retrancher sur ma couchette pendant plus d'une journée, prétextant des nouilles instantanées périmées, tellement il était insupportable. Alors certes, très gentil. Certes, il m'a parlé de son pays, m'a appris beaucoup de choses, m'a aidée et a été aux petits soins. En fait au début, il me paraissait même sympathique. Mais il a commencé à trop ouvrir la bouche : "Tu savais que ces salauds d'Américains pensent que c'est grâce à eux qu'on a remporté la 2nde guerre mondiale?", "J'aime pas les Américains", "J'aime pas les homosexuels" "J'aime Sarkozy car il vire les arabes", et cerise sur le gâteau : "Poutine? Euh.. Je sais pas".

Y des cons partout.

Non parce que je ne vous ai pas dis mais j'ai fait des sortes de sondages, essayer d'éluder la question Poutine auprès des locaux. Vladivostok, Irkutsk, le train et dans toutes les villes, j'ai demandé non pas ce qu'ils pensaient de Poutine, un peu trop direct, mais qu'ils parlent de l'opinion public en Russie de ce "Président de carton". Aucun n'a eu de réponse directe et évidente : "c'est mitigé, les plus informés et intelligents ne l'aiment pas, les autres gobent ce qu'on leur dit", ou bien "tout le monde te dira que personne ne l'aime, mais au fond il est charismatique alors on lui crache pas trop dessus, personne ne fait rien". Tout le monde sait que les élections sont truquées, c'est évident, digéré et accepté. C'est comme ça. J'ai aussi fait un sondage sur l'opinion public au sujet de l'homosexualité, là c'était plutôt unanime, on les accepte à peu près mais on est pas trop pour. De toute manière Poutine a récemment fait passer une loie interdisant les manifestations homosexuelles en public.

Revenons à Ranis, je l'aimais bien au début. Mais à trop sortir de conneries et à tirer sur la corde tout le temps, j'avais épuisé mon stock d'énergie compatissante. Le problème étant que même absent et disparu de mon wagon, il a continué envahir mon espace en m'appelant sur mon portable. Ranis était sympa, juste lourd. Je n'ai du coup pas trop eu l'occasion de faire la connaissance des autres voyageurs, mais j'ai rencontré Ranis. J'ai également pu lire mes deux livres de Marc Lévy, en me demandant s'il était possible que ce mec soit vraiment l'auteur français le plus lu au monde depuis 10 ans.

Juste avant d'arriver à Moscou, l'ennui s'était emparé de moi, le temps givré avait de plus en plus de mal à glisser. Je regardais l'heure toute les dix minutes, et pouf, on remontait encore le temps pour la 9ème fois. Une heure de plus à attendre, foutu décalage horaire. Je me tournais et me retournais sur ma couchette, espérant trouver le sommeil, pour faire passer le temps, quand tout à coup, un geste d'un culot surprenant me secoua. Je lève la tête, cheveux ébouriffé et regard vif, cherchant l'auteur de ce scandale, lorsque mes yeux se posèrent sur ce nain de jardin haut de 12 ans, présent dans le wagon depuis trois jours mais occulté par l'ombre du grand Ranis. Et c'est ce gnome qui a eu le parfait culot, précisément dosé, de me "réveiller" en agitant un jeu de cartes sous mon nez, me montrant du doigt deux belles russes plus bas, et me demandant de me joindre à eux pour jouer. Mon regard accusateur s'est immédiatement évaporé, mes cheveux se sont presque debourriffés, touchée par leur proposition, j'ai sauté à terre pour les rejoindre. Je me suis présentée avec mon Russe approximatif, constitué d'un vocabulaire à 4 mots. J'étais devant Sacha, le secoueur, Nastya (18ans) et sa petite sœur de 13 ans. Aucun ne parlant anglais. Ce qui m'a extrêmement plu, c'est que ces trois jeunes russes ont pris le risque de mettre en colère une étrangère qui dormait, pour l'inviter à jouer aux cartes, et sachant pertinemment qu'elle sera un boulet dans le jeu car ils ne pourront pas lui expliquer les règles. Ils m'avaient sauvée de mon ennui abyssal, et, sans un mot anglais, nous avons joué, rit, et j'ai été le boulet de la partie. Avec un grand sourire.
Nastya a tenu à me poser une question, encore fallait-il que je la comprenne. Durant 25 longues minutes, de réflexion, de consultation de son portable, de gestuelle et de rires gênés, elle a finalement réussi à trouver les mots et à m'écrire: "why one". C'est clair, net et précis. On me pose très souvent la question d'ailleurs: pourquoi je voyage seule? Certains se demandent si je suis sans ami, antipathique ou simplement bizarre. Et j'aime y répondre, expliquer mon histoire, mon vécu, mes idées. Mais cette fois-ci, avec mes 4 mots de vocabulaire? J'en ai voulu à Nastya de me poser une telle colle, je sais mimer, mais là c'est trop me demander. Et même expliquer que je ne peux pas expliquer car les gestes sont insuffisants, même ça, c'était impossible. Bref devant cette impasse comique, je n'ai pas pu m'en empêcher, ma réponse a été d'éclater de rire. Sûrement en a-t-elle conclut que je suis bizarre.

Nous arrivons à Moscou vers 4 heures du matin heure locale. Nastya, à ma grande surprise m'avait préparé un mot en anglais (composé de trois phrases) avec son adresse mail, des remerciements, des belles choses. Elle m'offre son bracelet qu'elle m'accroche déjà au poignet et moi, toujours abasourdie et à peine réveillée, je la regardais faire, incrédule, ne comprenant pas d'où venait une telle gentillesse. Combien de temps il lui a fallu pour écrire ces trois phrases, lorsque la veille elle a pris 25 minutes pour 2 mots? Touchée, je prends mon sac, les serre dans mes bras, un par un, et me dirige sur le quai. Un panneau métallique annonce "9298", rien besoin d'ajouter, tous ceux qui foulent ce quai savent.

Ma journée à Moscou, si je devais la chanter, elle serait ce long silence ennuyant entre deux partitions. En quelques mots: hôpital pour mon eczéma infecté récidiviste (170€ pour une crème inutile: Échec), manger (trop), penser (trop), gratter (mon eczéma), en short sous la pluie (je suis trempée), car mon sac est "dépôt bagages" de la gare (car je reprends le train le soir). Bref, de 4 heures du matin à 14h je ne fais pas grand chose de constructif, j'ai disons fait l'autruche dans une cantine italienne, jusqu'à ce que la culpabilité ait dépassé le cafard. Puis, j'ai remis mon corps sur mes jambes, ai testé les flexions de genoux, deux petits sauts, les écouteurs dans les oreilles et hop on est parti. J'ai marché une bonne dizaine de kilomètres, le soleil éclairant enfin les rues, baignant mon humeur dans un cocon un peu plus joyeux. Le centre ville est splendide, le Kremlin impressionnant (de l'extérieur), la grande église superbe.

Le soir, à minuit, je reprends le train, et pour la dernière fois: direction Saint Petersburg. Je me sentais déjà mieux, mes "racines mouvantes". J'arrive dans la ville qu'on surnomme la "Venise du Nord", ou Paris du Nord, je ne sais plus, je dépose ma maison au "dépôt bagage" pour aller profiter de ma journée, ensoleillée, dans cette belle ville, et attendre que mon Couchsurfeur se libère du travail.
Saint Petersburg est absolument splendide. Pour moi, elle a été un mélange de Vienne, avec son style vitrine ou musée vivant, et ses nombreux cafés, d'Amsterdam avec ses nombreux canaux, et sa touche unique avec ses églises extraordinaires coiffées de pommes de terres colorées. Un régal, c'était beau, subtil, agréable, propre, grand. Mais ce que j'ai préféré a été mon excursion à Peterhoff, le "Versailles russe", à 20 km de Saint Petersburg. Construit en 1715 comme "maison de vacance" par un certain "Le Blond" (architecte français) sous les ordres de Pierre le Grand qui revenait tout juste du château de Versailles qu'il avait apparemment envie de ramener chez lui. C'était la parenthèse historique. Un parc splendide, dans une forêt plutôt dense, décoré de lacs, de fontaines, de statues, et puis la ler bien sûr. Vraiment très beau.
J'ai adoré cette journée, d'autant plus qu'elle a été ma dernière avant le "début de la fin", ou le moment où je commencerai à tendre le pouce vers l'Union Européenne !
Je me suis alors assise sur un banc, admirant le lac, les groupes touristiques, les arbres. Lorsque je rencontrai Stefano. Attention pas une rencontre anodine. Non, Stefano est italien, notre rencontre se devait d'être théâtrale. Absorbée dans mes pensées, j'essayais depuis mon banc d'identifier un objet volant très curieux qui planait au dessus du lac, dans un bruit de tondeuse électrique. Assise là, regard vers le ciel, bouche semi-ouverte, sourcils haussés, nez retroussé, et oreilles interrogatives, j'entendis soudain ce bonhomme à ma gauche, qui était planté là le nez au le ciel lui aussi depuis quelques temps, s'étonner: "What's that?". A peine plus intriguée par sa présence que par mon OVNI, je vérifie qu'il ne s'adressait pas à un autre italien caché derrière un buisson, avant de lui répondre que les Aliens ont décidé de nous attaquer aujourd'hui, le 13 Juillet 2013, par qu'ils sont finalement plus "13" que "12". Je lui ai pas vraiment dis ça, mais peu importe. On passera la soirée à se balader dans les parcs de St Petersburg, parler de nos pays, nos voyages, la Russie, puis je repartirai de mon côté, établissant un plan de combat dans ma tête pour le stop demain. Alors ça y est? Je rentre.

En route vers l'Estonie

Pour commencer mon aventure en stop, il a fallu que je trouve d'abord du carton. J'avais réussi à aller gracieusement en piquer dans la poubelle derrière le restaurant de luxe dans le jardin de Peterhoff. Je m'efforçais de croire que si je me répétais: "c'est tout à fait normal de se balader avec une grosse boite en carton dans les bras en plein milieu des jardins de Versailles" je finirais par dégager de l'assurance, mais rien à faire on me regardait toujours comme une allumée. Bref, en ce samedi 13 Juillet je me suis donc réveillée tôt, ai pris un bus pour me permettre de sortir de St Petersburg au maximum. Assise sur mon siège, carton en main, plan dans l'autre, chaque arrêt aurait pu être parfait, mais le courage me manquait pour sauter sur le bord de route et tendre le pouce. Au bout d'un moment, s'en était trop, voilà 1h30 que j'étais sur ce siège, je me suis jetée à l'eau, suis sortie du bus et ai déplié mon carton. Un Estonien à l'anglais parfait s'arrête, et m'emmène à la ville-frontière: Narva. Dès la frontière passée, l'anglais est parlé couramment, on paye en euros et plus qu'une heure de décalage me sépare de la France. Il a fallu la mériter cette Estonie : 3 heures d'attente au poste frontière. Après quoi, mon conducteur s'en va de son côté, moi du mien, retendre le pouce direction Tallinn, où les deux estoniennes m'attendent. On me reprendra en stop assez facilement, après avoir essuyé de nombreuses fusillades de regards méprisants ou accusateurs, moqueurs ou amusés.

Je mets pieds à terre dans la rue Viru Street de la magnifique ville de Tallinn, un air d'été, de vacances se dégage de la rue piétonne, l'anglais résonne de tous les côtés. J'aperçois déjà la boutique dans laquelle Kadri travaille, notre point de rendez-vous. Mon cœur s'emballe, je n'arrive pas à croire que je vais l'apercevoir là dans ce magasin. Je décide d'attendre qu'elle finisse en m'asseyant dehors au café d'en face, je prends une photo de la devanture et lui envoie en email. Je n'aurai pas le temps de finir mon café que déjà un cri strident vient heurter mes tympans. En levant la tête j'aperçois se diriger vers moi une femme-pieuvre, ou Kadri qui agite ses bras dans tous les sens pour me sauter dessus. S'en est suivie une conversation stérile composée de cris, de rires et d'onomatopées. Nous partirons ensuite vers son appartement et Annika nous rejoindra.

A partir de là, j'ai eu l'impression de ne jamais les avoir quittées.
Durant les jours qui ont suivi, elles m'ont montré la ville, les lacs, leur famille. Nous sommes parties à Tartu en stop, et sommes allées dans cette grande maison de colocation composée de 4 appartements : une grande famille d'amis, d'amis d'amis. Un endroit superbe que cette grande maison en bois, rue Tolstoi, sauna dans le jardin et squatt sur le toit: elles ont toutes deux habité ici. Elles m'ont également emmenée dans beaucoup de ces endroits que j'affectionne tant: des sortes de cafés culturels, bars canapés, squatt littéraires,.. Ces espèces de MJC, ces coins dans lesquels on se sent si bien, où l'art et la culture ont pris possession des murs, les livres des étagères, les artistes de la décoration. Des jeux, graffitis et compagnie, des tables de pingpong ou balançoires, des gens toujours adorables, qu'on connaît depuis la nuit des temps, ou que l'on voudrait connaître, de ces endroits qui réunissent des âmes différentes, et de tout âge, mais qui se réunissent dans l'amour de la culture, de l'art ou juste de la bière.
Ces bars/cafés culturels organisent très souvent lectures de poèmes, films, concerts, desserts, ou autres événements comme des tournois de combat de pouce ou des projections de docu-fiction. En Estonie, la culture a une place vraiment importante, des théâtres à tous les coins de rue, des festivals à toutes les fins de semaines, des noms de rues farfelus, des gens créatifs, un pays que j'aime. Il y a aussi un esprit fort de recup': aucun magasin de vêtements neufs, que des dépôts-ventes, et tous les 100 mètres!
Durant cette première semaine, les filles m'ont fait découvrir leur pays, leur famille et leurs amis. J'ai appris de mon côté un peu d'Estonien, un peu d'histoire, sur l'union soviétique et le communisme. On a passé la majeure partie de notre temps à cueillir des champignons, des myrtilles, fraises, framboises et autres "berries", pour ma part juste les manger puisque mon sceau est resté vide.
J'ai presque cru à l'hallucination lorsque j'ai aperçu ma première cigogne. Puis, c'est avec le regard d'une enfant que j'admirais les dizaines d'autres, perchées sur leur haut nid, soigneusement aménagés en haut des poteaux électriques. Je cherchais presque des yeux le linge contenant le bébé.

Après l'Estonie, ce fut la Lettonie, pour ce fameux Positivus festival, que j'attendais tant. Il a fait froid, un peu, mais rien comparé au mauvais temps prévu: on a eu de la chance. Le site était splendide: dans la forêt et au bord de la plage, des ateliers tous plus surprenants les uns que les autres, un chapiteau "films", un chapiteau "cirque", 5 scènes différentes, plusieurs dizaines de hamacs, des grosses mascottes Free Hugs, des ateliers créatifs un peu partout, des défis, des photos, des gens surprenants. Et surtout, de la musique exceptionnelle.
Sigur Ros et The XX m'ont faite planer, la scène locale m'a faite rêver, Imagine Dragons et C2C m'ont enflammée et la scène électro m'a pulvérisée, bref un festival haut en couleur, en émotions fortes. Des rencontres, de la festivité dans le sang, des nuits courtes, des longs apéros, des sourires, des fous rires, des têtes dans le cul, un festival quoi. Mais, avec en prime, la rencontre du président de l'Estonie. La classe, non?

La semaine qui a suivie a été une remise en forme caractérisée par le fait bizarre que je suis justement tombée malade.
Au programme: une journée glande totale, suivie par une journée de visite d'exposition et de magasins de seconde-main, retour à Elva où je me suis faire chouchoutée et soignée par la mère d'Annika, puis départ pour Valga à la frontière de la Lettonie, voir le père d'Annika, et commencer le stop. Bien sur j'avais pris soin de préparer mon retour: personne ne devait être au courant. La veille de mon départ j'ai envoyé un mail à la famille, leur expliquant que j'allais sûrement prendre racine une semaine de plus en Estonie, et que bien sur je les tiendrai au courant lorsque je commencerai l'autostop. Bon, faire la surprise a ça de bien que personne ne de fait de sang d'encre: ni eux en s'imaginant que je suis en danger, ni moins en les imaginant m'imaginant être en danger. Pas de pression d'heure, de nouvelles, de temps, de lieu. Juste un sac à dos, un carton, un pouce et mon sourire jusqu'aux oreilles.

Le retour en stop !

Bilan :
- Kilométrage: 3000km (en fait 3600km si on compte depuis Saint Petersburg)
- Départ : de Valga en Estonie
- Arrivée : à Guérande en France
-Durée: 4 jours
- Voitures : 23
- Conducteurs : 3 femmes, 3 couples et 17 hommes

Le Stop c'est génial. Mais pas toujours facile. Pouce tendu, sourire aux lèvres, je ne peux m'empêcher d'être sensible aux différentes expressions des conducteurs. Finalement peu d'indifférence, beaucoup affichent de l'agacement, des regards accusateurs, secouant leur tête, fronçant les sourcils. Ma présence, là au bord de la route à leur demander quelque chose, ça les agresserait tant? Une femme a été jusqu'à me faire un doigt d'honneur! Pourquoi tant de haine ?
En y réfléchissant, ça a finalement un coté thérapeutique. Tenir le pouce
en l'air, tout sourire et être confrontée à tous ces regards chargés de jugements, d'indifférence ou de mépris, et les laisser glisser sur soi sans les laisser pénétrer sa carapace, c'est un sacré exercice. (Et on connait ma susceptibilité). Demander. Demander c'est un exercice, qui n'est pas des plus faciles. Demander c'est se heurter à l'éventuel refus, pas si éventuel dans le cas du stop. Et accepter de recevoir des autres, sans donner, sans se sentir maladivement redevable. Lorsqu'on demande à plusieurs, on est armé, protégé par le groupe. Mais seule, pour une si longue distance, et pour moi surtout, c'était comme mon examen de fin de parcours. Non pas que je me suis sentie en insécurité, ou angoissée de la distance, de l'échec. Non j'étais juste angoissée face à la nudité du stop, de s'afficher avec une pancarte devant des dizaines, des centaines de paires d'yeux qui défilent, protégées par leur carcasse de voiture, et leur vitesse, donc libre de réagir comme il leur plait.

Le premier jour de mon retour officiel, le vendredi 26 Juillet, je me suis levée assez tôt pour avancer un maximum. J'avais décidé de rentrer directement sans passer par les grandes villes prévues à la base. C'est un peu trop compliqué de rentrer et sortir des grosses agglomérations pour faire du stop, ça demande beaucoup d'énergie, et de toute manière je n'étais plus vraiment dans une optique de visite de ville. Alors j'ai tendu le pouce, estimant mon retour à 3 ou 4 jours, me permettant de faire la surprise à mes grands-parents dans la vallée de Chevreuse, estimée à dimanche, et de repartir lundi faire la surprise aux parents à Guérande.

Me voilà partie. Le premier conducteur, un homme parlant un anglais parfait, ne m'emmènera que sur 40 km mais il me fera visiter sa ville en voiture, me racontant l'histoire de son pays, les habitudes des locaux et tout ce que je rêvais d'entendre et d'apprendre sur la Lettonie. La première journée a globalement été une réussite. Je n'ai jamais attendu plus de 10 minutes au bord de la route, et, une fois en Lithuanie, vers 13 h, je me fais prendre en stop par une famille: ils partent jusqu'au sud-ouest de la Pologne, à 900km dans ma direction. Quel cul! Mon passage en Pologne a été mon dernier pied en Europe. Je repassais à l'heure française, ré-apercevais les marques Ikea, Lidle, Carrefour, et compagnie, bien que les cigognes continuaient de peupler les poteaux électriques. Dans la voiture à ma droite, ma petite Beata de 12 ans passait son temps à me faire des tresses et m'offrir du fanta.

On arrivera vers 1h du matin, les parents de la jeune Beata me déposeront dans un Motel. Ça fait mal aux fesses de payer 25€ la nuit lorsque tu avais l'habitude de la payer 3€. C'est comme ça!

Le samedi 27 Juillet, je me réveille donc en Pologne, j'engloutie mon petit déjeuner et tends de nouveau le pouce, il est 8h. Un camionneur s'arrête, il gêne la circulation alors je me jete dans son camion avant de me rendre compte qu'il ne parle pas un mot d'anglais. Impossible de savoir où il va. Il s'arrête 10 km plus loin sur une mi-aire de repos/mi-bande d'arrêt d'urgence le long de la nationale, et me dessine une maison pour me faire comprendre qu'il prendra la prochaine sortie pour rentrer chez lui. J'ai espéré ne pas créer de malentendu lorsque j'ai essayé de lui demander de me déposer plutôt au niveau de la sortie qu'il prendra, en chemin vers sa maison. Suite à quoi il a tenté le tout pour le tout et m'a demandé si je voulais venir chez lui. Niet! Il me dépose donc à la sortie, après m'avoir proposé sa bière pour la seconde fois, et repart. Bien que le mec qui me prendra ensuite m'avancera pas mal, il me déposera à un endroit critique, j'attendrai un moment. Je pose mes affaires tranquillement, profite du soleil, mets mes lunettes, colle un sourire sur mes lèvres et tends ma pancarte. Je me répète que le stop c'est toujours après avoir galeré qu'on a un vrai coup de peau, pour faire passer le temps et continuer de me faire espérer. Et encore une fois ça s'est vérifié : le mec qui s'est arrêté allait à Franckfurt, à 700km vers l'Ouest de l'Allemagne! Vers 14h j'arrive en fait à Wurtzbourg, une ville à une centaine de kilomètre à l'Est de Franckfurt, mon conducteur me dépose sur une petite station essence. Là, j'ose. Je déplie mon carton : France. Un homme prétends que je suis sur une route auxiliaire, que je ne trouverai personne, il me dit qu'il serait mieux qu'il me dépose à Nuremberg, à environ 100km un peu plus au Sud-Est, mais sur l'axe de l'A6 qui va en France. Je le remercie et monte. Une fois au niveau de Nuremberg je retends le pouce, et attendrai un très long moment. Un couple fini par s'arrêter, il est 17h, ils veulent m'avancer de 100km vers la France, c'est parfait. Je constate avec horreur après 5 minutes qu'ils reprennent la route dont je venais exactement, vers Wurtzbourg. Mais ce n'est pas grave, ça me donne l'occasion de les rencontrer, de discuter, c'est ça voyager! La femme qui me prendra ensuite m'avancera un peu vers Franckfurt, m'offrira un coca quelle avait acheté en avance pour moi. Adorable.

Ce n'est que le lendemain que je réussirai enfin à dépasser Franckfurt par l'Ouest, même si ça me coûtera de nombreux sauts de puce, de longs moments de solitude, d'attente, et de bain de soleil. Une fois à la frontière, enfin, après 4 voitures et 5 heures de stop, je tends le pouce de niveau, mais avec mon panneau Paris cette fois-ci. Tout à coup, un rideau de plus s'abat sur moi, et c'est pendant une heure que j'essaierai de jouer du regard pour qu'on me prenne en pitié. Mes sacs sont trempés malgré leur protection, et moi je ressemble à un cocker tombé dans l'étang. Rien à faire, personne ne s'arrête (et quelque part je les comprends). Je repense à mon dicton: c'est toujours après une longue galère qu'arrive la plus grosse chance. A-t-elle été assez longue ma galère ? Une voiture s'arrête finalement, un homme me dit qu'il va à Paris, et, mieux, il me propose après une heure de route ensemble, de me déposer devant la porte de chez moi, à Saint Lambert (78), alors que lui va à Saint Denis. Si ça c'est pas de la chance... Dans la voiture je passe la frontière française, je réhabitue mes yeux à l'écriture française, je réhabitue mes sens au parfum du pays, aux couleurs de cette nation, aux sons de la langue. Finalement, ce n'est qu'un autre pays, une nouvelle étape, un nouveau voyage. Finalement ce n'est qu'un nouveau mode de vie avec ses us et coutumes, avec ses préjugés à démentir ou vérifier, ses richesses cachées à découvrir, des "locaux". Finalement pas de grand changement. Et pourtant, cette sensation qui me bouleverse, qui me fait sourire alors que rien n'est drôle, qui me fait rire lorsque la caissière me demande si c'est "sur place ou à emporter". Tout le monde parle français. Voilà la seule grosse différence.

Vers 16h j'arrive à Saint Lambert, devant la maison de mes grands-parents prête à sonner pour les surprendre. J'ai réussi mon coup, la surprise est totale, les larmes, la joie, les embrassades. Je marche même sur une abeille qui me pique sans que je m'en aperçoive lorsque je courrais pieds nus dans l'herbe pour rejoindre mon grand père au fond du jardin. Tarte au pommes, chouchoutage, souvenirs, histoires, anecdotes, photos, on en a du temps à rattraper. Mais à peine arrivée, je repars déjà direction la Bretagne, au petit matin. Il est temps de surprendre les parents cette fois. J'y arriverai vers 16h, après 6h de stop et 2h à tourner en rond pour trouver la maison. Qu'elle andouille, j'avais oublié où elle se trouvait... faut le mériter ce retour ! Surtout qu'à 500 mètres de la maison un rideau de pluie s'est de nouveau abattu sur moi. Une fois dans la résidence, la pluie s'arrête. J'aperçois la maison. J'entre dans le jardin. La voiture est là. Un gros chien vient me sentir, c'est Icar, un "bas rouge" de 5 mois à l'allure d'un poney, celui qu'on appelle Cooky sans faire exprès. J'espère qu'il ne va pas aboyer, je veux que la surprise soit totale. J'avance sur la pointe des pieds jusqu'à la porte d'entrée, comme si l'herbe allait crier si je lui marchais trop fort dessus. Je sonne. Et je toque histoire d'en rajouter une couche. La porte s'ouvre. "Coucou maman!"

 

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9 juillet 2013

A travers la Sibérie

Me voilà encore balancée et bercée par les mouvements du train, ce Transsibérien qui fait tant rêver. Son nom est un peu mystique, il peut s'agir de n'importe quoi. Un grand magicien de renommée mondiale, d'un parc d'attraction de la mort ou même d'un bar gay. On sait pas trop. On sait juste que ce truc au sens un peu magique, il traverse la Russie, on sait pas trop comment, on sait pas trop dans quelles conditions. On a entendu dire que c'était hors de prix, on a entendu dire plein de choses et tellement peu en même temps. Bref, on ne sait pas trop se le représenter mais on bizarrement on en rêve. Alors voilà j'ai concocté deux articles pour que vous puissiez au mieux vous l'imaginer et voyager avec moi dans ce train extraordinaire. Âmes sensibles s'abstenir: Pire que le train de la mine, votre estomac sera retourné à jamais. Blague :) Dans l'article suivant, j'ai tenté de retranscrire la vie dans leTranssibérien, l'énergie qui y grouille, et les quelques règles qui vous permettrons de vous le représenter. Et dans cet article ici-même, je vous raconterai mon aventure, mon itinéraire, mes rencontres de mes deux dernières semaines. Bonne lecture! Semaine 43 - Vladivostok, ou le bout du monde Avant de remonter dans le train, le vendredi 21 Juin, je suis restée une nuit en Couchsurfing à Irkutsk, chez Anuta. Cette jeune Russe, à peine arrivée, m'avait préparé serviette de toilette, dîner et programme pour la soirée. Lorsqu'en chemin je lui ai demandé si ses amis que nous allions voir parlaient anglais, elle m'a simplement répondu qu'un proverbe Russe dit: "Vodka is connecting people". Une chouette soirée s'en est suivie, avec la vodka comme liant, ils m'ont emmenée découvrir la ville de nuit, avant que je parte pour Vladivostok le lendemain matin. Le réveil fut quelque peu compliqué, vers 5h du matin, Anuta a su me secouer pour que je saute dans le taxi direction la gare. Sacs sur le dos, équilibre approximatif, léger mal de crâne et enjambées peu confiantes, je me suis trainée comme un âne jusqu'à mon wagon, ait installé mes affaires, regrettant déjà d'avoir mis une robe étant sur la couchette du haut. Un Russe-Chinois vole immédiatement à mon secours, m'aide à poster mon sac tout là-haut, je le gratifie d'un "Che-che"(merci en chinois) , qu'il déguste presque les larmes aux yeux. Je monte sur mon lit superposé, m'affale dessus, encore apeurée de ce monde qui grouille en bas dans le dortoir ambulant. Tout à coup, je réalise que j'ai oublié chez Anuta mon sac de nourriture pour les 3 jours à venir dans le train. C'est sur un "Mai Pen Rai" que je m'endors. Lorsque je me réveille je crois tout d'abord être sur un bateau. Odeurs de poisson, mouvement de balancements, un "à Bâbord!" ne m'aurait pas surprise, mais c'est un "dabaï" (=let's go en Russe) qui l'a remplacé. J'ouvre les yeux, oui, je suis toujours en Russie, toujours sur la terre "ferme", plus ou moins, et c'est un énorme poisson que la grand-mère d'en bas vient de sortir, qu'elle déguste du bout des doigts. Je reste perchée un moment sur ma couchette, n'osant montrer le bout du nez, j'observe, je prends note, je m'imprègne de l'ambiance avant d'étudier une stratégie de descente, avec ma robe. Autant dire: Échec. Une fois au "sol", on m'offre déjà une boîte de pâtes instantanées, et le Chinois-Russe, Yuri, prend connaissance de ma nationalité avec deux trois mots d'anglais. Durant les deux premiers jours de train, je dévorerai deux livres d'une traite : Aleph de P. Coelho et Le Zèbre d'A. Jardin. Mais je fus interrompue dans ma lecture studieuse par un choc violent qui fit tomber tous les sacs au sol, décoiffant les grands-mères, faisant sauter le poisson, réveillant les dormeurs, et surprenant tous les regards. Dix longues secondes d'incompréhension et de peur ont précédées l'arrêt du train, durant lesquelles nous avions bien senti que nous roulions sur autre chose que les rails. Une fois dehors nous constatons que nous avons déraillé, mais, chance, seulement notre wagon. Résultat: il s'est quelque peu encastré dans le wagon suivant. Tout le monde rit, se moque des contrôleurs qui nous hurlent à peine perdue de rentrer, bref, la débandade. Après seulement une heure passée à l'arrêt, on nous demande de plier bagage, de changer de wagon, d'en squatter un autre afin de laisser celui-ci sur place. Enfin, c'est Yuri qui s'est chargé de me faire comprendre tout ça, me prenant en charge, il a attrapé mon sac et s'est efforcé de nous dégoter un peu de place quelque part dans un autre wagon. Après une longue nuit blanche à attendre notre nouveau wagon, à me faire invitée par la "provodnista" (la femme controleur) dans son compartiment, m'offrant thé au lait, bonbons, amendes et gâteaux, et les gestes comme seule communication, Yuri rechope mes sacs en m'informant que nous déménageons de nouveau, ça y est le nouveau wagon est arrivé. Le dernier jour nous serons comme dans une fournaise, dégoulinant de sueur, agonisant sur nos couchettes, un vrai sauna, un four, et nous comme rôtis. Cinq jours à Vladivostok, cinq jours â l'autre bout du bout du monde: 9h de plus que la famille en France, 1h de plus que Priscille en Australie, et 16h de plus que Tiffanie aux USA, qui en était encore à hier lorsque j'étais aujourd'hui. Je suis un peu comme dans le futur en fait? La ville de Vladivostok était belle et plus agréable que l'idée que je m'en faisais. Galina ma Couchsurfeuse m'attendait déjà lorsque le Transsiberien est arrivé en gare. Évidemment, j'avais beaucoup de retard avec ces histoires de wagons. Lunettes de soleil, sourire jusqu'aux oreilles, la trentaine, Galina est à la tête de sa compagnie, elle gère ses heures de travail, elle a du coup pu se libérer à deux reprises pour venir et constater le retard du train et revenir m'accueillir. Elle m'aide à acheter mes deux prochains billets de Transsibérien, la "guicheuse" ne parlant que Russe, puis, nous allons chez elle, en plein centre de Vladivostok. Elle me file ses clés, son vélo, son code wifi, me montre la douche, me donne une poire, et retourne au boulot immédiatement. Je me retrouve dans cet appartement, seule, tout à ma disposition, un confort et une générosité qui ne cessent de m'épater avec Couchsurfing. Je passe la première journée à me promener à poil chez elle, entre douche et musique, skype et rangement, bref un dimanche, again. A vrai dire, les 5 jours passés à Vladiostok ont été quelque peu étranges. D'un côté, la ville, vraiment sympathique, vallonée et propre. Galina a fait de mes soirées de vraies journées: elle m'emmènera chaque soir, tard après son boulot, visiter la ville de nuit, me présenter ses amis absolument fabuleux, qui eux-mêmes m'ont trimballée de droite à gauche. Et puis d'un autre côté, la journée, qu'au début j'utilisais à visiter un peu puis, j'ai été prise d'un gros cafard qui a grignoté mon temps et mes envies, me retranchant la plupart du temps dans l'appartement, tourner en rond et dormir. Mes journées étaient devenues mes nuits et mes soirées avec Galina, mes journées, mon sourire et ma joie de vivre bondissant de nouveau à 19h lorsqu'elle sortait du boulot. La dernière soirée fut d'ailleurs des plus mémorables. Après un long débat sur l'homosexualité, où j'ai bien compris à quel point la France peut-être (finalement) ouverte comparée à beaucoup de pays d'Asie, où j'ai bien compris que la partie était perdue d'avance, nous avons changé de sujet. Puis, après quelques verres, cocktails et narguilé, Galina, et ses deux amis décidèrent de finir la soirée dans un bar gay, attirés tous trois par ce "phénomène". Attention, photos interdites dans le bar: si jamais ça s'apprenait... C'est dans ce grand décalage des cultures que nous avons trouvé terrain d'entente autour de quelques verres, maintes danses et beaucoup de fous rires. De nouveau, mon retour dans le train sera compliqué, bien que cette fois-ci, je n'avais pas oublié ma nourriture. Semaine 44 - En direction de Krasnayarsk Je m'installe sur ma couchette, en hauteur également, mais personne n'est encore dans le train, je peux alors prendre mon temps pour disposer mes affaires, m'approprier l'espace et étirer ma bulle comme je le souhaite. Durant la première journée, quasiment personne ne sera dans le wagon, j'aurais donc le loisir de m'installer là où je le souhaite ! Je retrouve bizarrement cette sensation de bien-être, de liberté, cette plénitude permise par le train, qui me remet alors sur mes rails. Je me laisse absorber par la fenêtre et les souvenirs qu'elle reflète inévitablement. Une heure, deux heures, je lis, je voyage. Je finirai Les Fourmis de B. Werber et Birmanie d'Onot-dit-Biot. Je retrouve également mon sommeil que j'avais perdu à Vladivostok. Décalage horaire? Non, moi je dirais que mes parents y sont pour quelque chose. Dans le train, je m'endors instantanément et fait partie de ceux qui se sentent bercés par les mouvements du train, alors qu'ils empêchent d'autres de dormir. Peut-être parce que ces balancements sont particulièrement similaires à ceux de la machine à laver sur laquelle on me posait lorsque, bébé, je ne trouvais pas le sommeil. Dans la nuit arrivent une famille de 4 Russes-Kazakh. Une femme, la cinquantaine, sa fille Christina de 18 ans, son fils Nikita de 6 ans, et le petit dernier, Slava, de deux mois, orphelin, je l'apprendrai plus tard. C'est avec cette belle famille que je passerai les deux journées qui ont suivies, la jeune fille avec quelques notions d'anglais a pu échanger avec moi deux trois mots. Et être toutes les deux surprises que, du fait du décalage des cultures et des générations, sa grand-mère a le même âge que mes parents! Rapidement, je suis inclue dans la famille, la maman prend soin de me préparer un sandwich qu'elle me fait apporter par son fils, je la regarde, presqu'émue par sa gentillesse, elle me fait signe de venir me joindre à eux à leur table. Je me fais alors servir comme une reine, et ce sera comme ça tout le temps. En échange je partage avec eux mes provisions et me promets d'acheter tout en 4 exemplaires la prochaine fois, lorsque je me rends compte que je n'ai plus rien dans mon sac au bout d'une journée déjà. A leur départ, la maman m'offre tout ce qui lui reste: 10 sachets de thé, 4 sachets de café, 4 boîtes de pâtes instantanées, 2 boites de purée, deux énormes freezby de pain, et une saucisse énorme. Bref, je n'ai pu que les aider à descendre leurs bagages pour les remercier. Christina me prendra dans ses bras et me traduira tant bien que mal ce que lui dit sa mère: si je reviens en Russie l'année prochaine, ils m'accueilleront chez eux. C'est fou tout ce qui peut passer sans langage verbal. Je remonte dans le train, la table propre, leur couches vides, c'est de nouveau dans un espace vierge qui ne demande qu'à être peint d'une nouvelle vie que j'attends mes futurs compagnons de dortoir. Le wagon lui aussi s'est vidé, je suis presque seule, avec quelques voyageurs dispersés dans le plazkartz. Je m'assois et regarde le quai par la fenêtre. Mon cœur fait tout à coup un bon dans ma poitrine lorsque je vois 40 militaires devant chaque wagons prêts à embarquer. Merde. Ils s'installent, posent leurs sacs, leurs cartons, me dévisagent et rient aux éclats lorsque je réponds à leur charabia par un: " Y a ni pain, ni mayo" (moyen mémotechnique pour dire "je ne comprends pas" en Russe). Dans le Transsibérien, chaque espace intime devient partagé, toutes les "bulles" personnelles se mêlent inévitablement entre elles tellement l'espace est confiné. C'est complètement immobile que j'ai sentie ma bulle tout à coup se compresser sur moi-même sous le poids de cette vague militaire, se rétrécir, incapable du moindre mouvement comme ligotée au milieu de toute cette testostérone. Minimisant mes gestes comme pour éviter au maximum de faire remarquer ma présence, même aller aux WC en traversant le couloir et tous ce wagon militaire, me paraissait infaisable. Déjà tout le dortoir est au courant que je suis étrangère, ça rit, ça cherche un interprète. On me pose des questions, qui caractériseront bien la nouvelle faune dans laquelle je suis plongée, par leur côté... "insolite": - Question 1: Est ce que j'ai un copain (question à la laquelle je réponds inévitablement et presque toujours à l'affirmative, pensant naïvement que me créer une vie imaginaire pourra me sauver de tout danger face à la testostérone agitée) - Question 2 : Est ce que tu vas nous faire croire qu'il t'attends depuis un an dans ton pays ? (Question à laquelle je souris) - Question 3 : Quelle marque de voiture je conduis? (Tac o tac, Ford fiesta, tu peux pas test) - Question rhétorique: France, Depardieu = Ahahahah (éclats de rire gras) Une fois les présentations faites, ils me proposent de manger, m'offrent un médaillon militaire, des allumettes de camping, un réchaud de militaire, et une conserve de pâté. (Ils sont tout de même adorables). Toujours coincée dans mon espace confiné, ça commence à sentir le mâle et le fauve, mais rapidement l'attention se porte sur un belle blonde Russe quelques lits plus loin, et ce n'est pas pour me déplaire. Après une longue journée à prier pour que le temps glisse plus rapidement, les militaires commençant à devenir un tantinet lourdots avec moi, je finis par arriver à Krasnayarsk, vers minuit. Nous arrivons. Dans la file de voyageurs qui se pressent à la sortie du wagon, attendant pour descendre sur le quai, j'entends un "Excuse me" dernière moi. Je me retourne, et réponds "Yes?" au militaire lourdingue de tout à l'heure. Il me lance un "dabaï" (= let's go) plein de défi, qui en fait me fait réaliser l'étendue de mon erreur. Erreur qui se voit confirmée lorsqu'il me répète ce que j'avais mal entendu: "Kiss me". Je descends vite, lui lance un "NO" glacial et me jette dans un taxi. Non mais Ooh! Je suis accueillie à Krasnayarsk par une splendide famille russe. Veronika, Michel, parents de Katia (18 ans) et Sergei (22 ans). Même si je suis arrivée tard, on m'accueille, me fait un lit sur le canapé, un thé vert, et on me réchauffe une pizza. Déjà, un programme a été réfléchi pour moi, et mon séjours de 3 jours dans leur ville, en fonction des disponibilités de chacun. On me donne un double des clés, une serviette de toilette, et petit déjeuner prévu pour 9h. Krasnayarsk est une superbe ville, plutôt verte, à mi-parcours sur le trajet du Transsibérien, constituant une étape parfaite. Quoi qu'au final, une fois descendue je regrettais déjà la terre ferme, mais pas mon voisinage pour autant. En ville j'irai apaiser ma longue "To do list" : acheter un adaptateur de prise pour continuer à utiliser mon portable, acheter mon billet de train pour St Petersburg, chercher un CS sur Moscou, charger mes batteries, puis j'irai marcher. Une longue marche de 4 heures sur l'île située à l'Ouest de la ville, où les Russes en vacance font du vélo, du roller, se baignent, courent, jouent, se baladent en amoureux ou avec les enfants, m'a remise en forme. Une odeur d'été m'a alors rempli les poumons, la marche rafraîchi mes artères, le soleil me recolorant un peu l'épiderme. La journée suivante nous cuisinerons des crêpes sur ambiance péruvienne, Veronika au pantalon typique, et la musique en fond ramenée de ce pays même, dans lequel ils rêvent tous deux de s'installer, avec son mari. Nous irons nous balader le soir, et admirer la ville au coucher de soleil. Ma dernière journée à Krasnayarsk fut des plus éprouvantes. Katia a fait de son seul jour de congé un jour pas franchement reposant pour elle. Elle m'a emmenée visiter le parc national qui fait la fierté de la ville. Mise en garde: les tiques. Il y en a partout dans la forêt, et elles sont très dangereuses car transmettent l'encéphalite. Allons bon! Nous partirons pour 9 heures de marche, croiseront lapin, Tic-et-Tac par dizaines et beaucoup de rochers à escalader. D'ailleurs nous en escaladerons un de 80 mètres de haut pour admirer toute l'étendue du parc national, c'était fabuleux. Je ne m'étais jamais rendue compte qu'escalader pouvait être si excitant. En chemin nous rencontrons Stan qui fera parti de notre team de choc pour la journée, que nous finirons sur les rotules, vers 22 heures. Le soir, Veronika et moi parlerons écrivains et littérature, elle me conseillera beaucoup d'écrivains russes, dont je prendrai note, et me traduira une phrase célèbre que j'ai beaucoup aimée (doublement traduite ça donne ça:) "Une personne qui entreprend un voyage ne peut pas retourner dans son pays, car c'est une autre personne qui rentrera chez elle". Parlant livre, j'ai grâce à Veronika pu trouver et acheter 2 livres en français pour mon prochain voyage en train. N'ayant guerre beaucoup de choix, j'ai opté pour Marc Levy, encore jamais lu (auteur français le plus lu depuis 10 ans dans le monde, fallait que je m'y mette) mais mieux vaut tard que jamais! Le lendemain, après avoir fait des courses, en 4 exemplaires cette fois-ci, j'ai fait changer mon billet pour passer plus de temps à St Petersburg et moins à Moscou. Je montai dans le train, en ce Samedi 6 Juillet à 12:10 direction Moscou. Pour une fois totalement lucide. Déjà, une voix anglaise s'éleva derrière moi lorsque je cherchai ma couche: "Which seat number are you?"
9 juillet 2013

La vie en Transsibérien

Voyage hors du temps et de l'espace, de Vladivostok à Moscou, le Transsiberien traverse, en 200 heures, 7 fuseaux horaires et 9289km mais nous restons sans bouger. Confinés soit dans des compartiments "kupé" soit en dortoir "plazkartz", les odeurs de vie prennent tout notre espace. Coupé du temps, plus aucune horloge ne correspond au présent.
Pour rendre les choses plus "simples", tous les trains, les affichages, départ/arrivée sont à l'heure de Moscou. Pour rendre les choses plus simples encore, ton Ipone est pris d'initiatives intelligentes et s'adapte lui-même au fuseau horaire.
Rien de plus compliqué. Alors on ne regarde plus l'heure, on ne sait plus que se repérer par le soleil qui monte et descend, en notant bien de quel côté histoire de savoir dans quel sens on va, et par son estomac, jamais trompé par ce jeu d'horloges.

Alors même si on traverse plus de la moitié du globe, même si lorsqu'on part de Moscou à la tombée de la nuit on sait que le jour vient de se lever à l'autre bout de la ligne de chemin de fer, même si on remonte le temps en voyageant de l'Est à l'Ouest et on l'accélère en voyageant de l'Ouest à l'Est, même si ce voyage est un voyage dans le temps et dans l'espace, on est assis, là, dans l'immobilité la plus totale avec le présent et l'ennui comme lent sablier.

Après avoir goûté aux couleurs d'Asie, aux odeurs de marchés, aux villes éveillant mille sensations, qui aurait cru qu'un train pourrait exacerber là aussi tous mes sens ? De l'odeur de poisson frai, que la vieille du lit d'en bas vient de déballer sur un papier journal, à celles des fruits, fromage et saucisson, mélangées à celles des pieds, de la sueur, des parfums et déodorants, vient s'ajouter un concert de bruits familiers, de discussion, de musique, de ronflements, de pleurs ou de rires. Et cette orchestration entre odeurs et sons, rythmée par le balancement régulier du train qui berce ou énerve, endort ou empêche de dormir. Le train, seul chef d'orchestre.

Dans cette symphonie des sens, c'est aussi un voyage introspectif qui s'opère, dans les souvenirs, permis par le temps qui s'allonge au fur et à mesure qu'il se rétrécit sous le passage du train sur les rails: l'ennui laisse place aux souvenirs qui galopent au rythme des sensations. Un parfum, une odeur et c'est tout un monde qui s'éveille. Chaque personne n'étant pas absorbée par sa nourriture ou ses mots-croisés, replonge dans ses souvenirs, renoue avec l'univers de ses réflexions, juste là, par la fenêtre, le regard dans le vide, quand les paysages défilent et s'en mêlent.

Un flot de substrat de vie dans chaque mètre carré. Une expérience de chaque instant. On me l'a dit, le "plazkart" on l'adore ou on le déteste. Alors j'ai sauté.

De manière plus concrète, en quelques règles, je vous présente le Transsibérien:

C'est un train. C'est à dire par définition qu'il est composé d'une locomotive, de wagons (dont un wagon restaurant) et de rails: jusque là je pense que tout le monde suit. Trois classes différentes viendront timbrer votre ticket d'un prix plus ou moins exponentiel:

- 1ère classe ou "deluxe": un compartiment de deux couchettes

- 2nde classe ou "Kupé": un compartiment de 4 couchettes

- 3ème classe ou "Plazkart": dortoir composé de trois fois deux lits superposés (un dans la longueur, deux dans la largeur) sur une surface de 7 mètres carrés environ, avec une table au milieu, fois 8, c'est à dire 48 lits au total pour un wagon.

L'intérieur du train:

A chaque extrémité du wagon, grâce au ciel, nous avons des toilettes : Wc, miroir et lavabo, souvent même du PQ. On y fait des rencontres express dans la file d'attente, on peste contre le fait qu'elles tombent souvent en panne, on attend de longues minutes lorsque quelqu'un prend sa toilette du matin, bref, les WC occupent 1/10 de votre temps et de vos occupations par jour.
Aux mêmes extrémités se trouve une prise électrique, bizarrement rarement libre, et approximativement fonctionnelle.

A l'entrée de chaque wagon se trouve ce que l'on appelle un "samovar": un espèce de gros réservoir, en fait une bouilloire à eau, toujours fonctionnelle et à volonté : pâtes instantanées, café ou thé, etc.. La base de la nourriture dans le Transsibérien quoi! C'est à dire 3/10 de votre temps.
Concernant la nourriture, on trouve sur les tables généralement la même chose à chaque fois: pâtes instantanées, purée instantanée, café "3 en 1", thé, poisson, saucisson, pain, mini-concombre ressemblant à des cornichons, des bonbons, gâteaux à thé et trucs frits.

Deux personnes appelées "provodnista"/"provodnik" sont attribuées à chaque wagon et se relaient entre le jour et la nuit. Leur mission: prendre soin du wagon et tout ce qui y est directement ou indirectement lié, nous compris. La plupart du temps elles ont perdu le sourire quelque part, on ne sait trop où, mais un événement étrange, inattendu, peut parfois le ramener. Leur rôle par exemple est de distribuer les draps aux nouveaux arrivants, ou récupérer ceux des voyageurs qui vont arriver à destination, laver le sol et vider la poubelle, vendre des trucs, ouvrir et fermer la porte qui donne sur le quai lorsqu'on est en gare, bref un peu tout quoi. Ils ont un compartiment en face du samovar.
Une blague Russe dit que lorsqu'ils redescendent à terre ils ont une démarche de bourré.

La lumière s'éteint et s'allume de manière terriblement aléatoire mais généralement, c'est le noir complet aux alentours de minuit heure locale cette fois-ci (faut pas déconner). Parfois, soudainement, au gré de la bonne volonté des énergies environnantes, de la musique sort des hauts-parleurs, bref c'est un peu la pochette surprise.

Rarement mais quelque fois, des femmes passent dans les couloirs et vendent chips, bières ou eau. Mais soyons honnêtes, le couloir est surtout colonisé par des enfants qui jouent avec le peu de terrain qu'ils ont et par les allers/venus de ceux qui vont remplir leur tasse ou leur pâtes.

Les variables aléatoires :

Parfois il y a de la clim, parfois non. Parfois on peut entrouvrir le haut d'une fenêtre, parfois non.
Parfois il y a un espace fumeur entre deux wagons, parfois non.
Parfois le train s'arrête et on a le temps de courir acheter un truc à la supérette, parfois non.
Par contre, le train ne vous attendra jamais.

L'extérieur du train:

A l'extérieur du train un kilométrage s'affiche: les centaines de mètres sont marquées au moyen de poteaux de 1 à 10, et à la fin de la dizaine, s'affiche le nombre total de kilomètres (avec Moscou comme zéro). Ce qui est plutôt pratique, car à l'entrée de chaque wagon on trouve une affiche (pour une fois traduite en anglais), avec les villes dans lesquelles le train s'arrête, le kilométrage, l'heure (toujours celle de Moscou), et la durée de l'arrêt. Quelques calculs de tête et hop on peut se repérer à peu près sur la "Map Monde".

Les paysages qui défilent sont plus ou moins similaires. Si je devais les décrire en un mot: Taiga. De la foret quoi, dont beaucoup de boulots. Plus ou moins vallonnés, plus ou moins l'apparence de steppes, parfois des rivières, notamment du côté Far East avec l'Amour (une rivière couleur noire) les paysages ont quelque chose d'intouchable. Peut être parce que sur 9290km ces vastes étendues qui s'offrent à nous n'appartiennent à personne sauf à Dame Nature... La plus belle partie du Transsibérien, selon beaucoup de bouquins, est celle qui relit Irkutsk à Oulan-Oude (10h environ), et qui longe le lac Baikal. Le côté Far East est plus vallonné et a plus l'apparence de steppes bordées de rivières, tandis que le côté Ouest est plus ou moins plat et couvert d'un manteau de d'arbres, de fleurs, de bosquets.

Petite anecdote que j'ai lu dans le journal (application que j'ai téléchargée aha) lorsque j'étais encore en Asie du Sud-Est: un français a été retrouvé à poil, dans la neige, le long du Transsibérien. Il aurait bu de la vodka avec des Russes dans le train, et aurait commencé, bourré, à dire n'importe quoi, parler à tort et à travers, à critiquer le pays et sa politique. Ils n'y sont pas allés pas 4 chemins, ils l'ont foutus dehors à poil, ahaha!

L'équipement habituel du voyageur en Transsibérien :
- Lingettes, mon meilleur ami
- Pâtes instantanées, par millier
- Mots-croisés ou un bon bouquin (voire 3 dans l'idéal)
- Bon bagage en matière d'escalade
- Qualités en matière de patience
- Sérieux background de générosité
- Expérience en sociabilité
- Du thé

25 juin 2013

Semaines 41 et 42 - Vers le plus endroit au monde

Longeant encore de belles steppes, c'est le Russe qu'on parle cependant autour de moi. Cette fois-ci j'ai pris soin d'apprendre à le lire avant de poser mon pied hors du Transsibérien. J'ai déjà quitté la Mongolie, il y a une semaine, et c'est dans un pays extraordinaire que j'y ai posé mes nouvelles marques. Lorsqu'on parle de Russie, "froid" a remplacé dans notre imagination le mot "rêve", qu'il s'agisse du climat ou de l'accueil. C'est dans la surprise que la Russie a déjà contredit ces préjugés. Merveilleux pays, à la culture aussi large que son étendue, prolongation des vastes steppes mongoles, c'est au Lac Baikal que j'ai effectué mon premier arrêt, le plus bel endroit au monde. Allez, on se frustre et on fait un saut dans le passé. Semaine 41 - Derniers moments en Mongolie Revenons en arrière, lorsque Soko m'avait ramenée à Oulan Bator. Évidemment, elle n'aurait pas pensé à me garder une place dans sa guesthouse, mais après tout tant mieux. Je pars à la recherche d'une auberge de jeunesse pouvant m'héberger, d'une douche pouvant me redonner peau neuve. Une fois trouvée, je m'approprie immédiatement le dortoir comme à mon habitude. Je branche mes batteries et laisse mon IPhone libérer sa musique à plein volume pour investir mon espace. Je balance mon 35 L sur mon lit, je balance mon linge sale à la machine, je balance ma crasse sous la douche, je balance mon corps en musique, et tout en me trémoussant seule dans le dortoir vide, j'imagine quelle orgie de fruits et légumes j'allais cuisiner ce soir. Davina fait alors son entrée. Au premier coup d'œil: bimbo israelo-américaine, canon sorti des magazines, lunettes de soleil, voix surchargée d'enthousiasme et de sympathie, une aura pleine d'amour et de bonne humeur, un physique à mi-chemin entre Pénélope Cruz et Angelina Joly, une entrée fracassante brisant ma danse de la joie intitulée : " je me sens belle et propre" . Ce genre de nana capable de te dire qu'elle revient d'une semaine sans douche dans la steppe, et même la crasse de ses cheveux ébouriffés est sexy, même ses vêtements crades ont la classe, tu envies ses auréoles, et jalouses son odeur de bouc. D'ailleurs, elle a beau te dire qu'elle n'a pas pris de douche depuis une semaine, tu ne peux pas la croire, chez toi, l'absence de douche se perçoit de loin. C'est un peu comme si elle te disait qu'elle n'avait pas mis ses lentilles aujourd'hui. Mais bref, Davina, c'est le genre de femme qui a les épaules bien lourdes de ces jugements faciles, et jamais je n'aurais cru voyager une semaine avec elle, m'entendre si bien avec elle, et je n'ai jamais autant ri avec quelqu'un que je connaissais si peu. La glace brisée, nous rigolons déjà, singeant nos expériences respectives, moi de cet étrange invité qui a squatté mon lit, elle de son guide qui a squatté sa tente. On part toutes les deux au supermarché avec la même envie massacrante de faire sa fête aux légumes verts, de se cuisiner un dîner proprement dit, faisant les idiotes entre tous les rayons, de vraies enfants. C'est lorsque nous seront en train de manger notre saumon fumé en sirotant notre vin rouge (on a pas fait les choses à moitié), qu'un troisième personnage fera son entrée dans le dortoir, Shachar (à prononcer Charal), un israélien à l'entrée bien moins fracassante, plus réservé. Il est à "semaine 2" dans son journal de bord, venant tout juste de quitter son pays et débutant un voyage d'environ un an. La Mongolie a été bizarrement un carrefour étrange de voyageurs finissant leur voyage et d'autres commençant leur long trip. Un carrefour curieux de comportements étranges et familiers à la fois, me submergeant de nostalgie et de peur, de fierté et de doutes. J'ai rencontré bien plus de voyageurs entamant un voyage que l'inverse, et non sans provoquer aucune émotion. J'eus tout à coup l'impression d'avoir basculé de l'autre côté du miroir, enfermée dans la course du temps. Je n'aurais jamais imaginé que nous allions devenir tous trois un groupe détonnant, plein d'amour fraternel et de partage, un trio qui marqua mon voyage au fer rouge. Le lendemain, nous retournons à Golden Gobi Guesthouse, où je retrouve Juuso le finlandais à qui j'avais donné tout mon matos de camping. Nous décidons de partir le lendemain à 20km de la capitale dans une guesthouse tenue par un couple de français, proposant toute sorte d'activités dans un cadre idyllique. D'abord, il faut les appeler, et c'est à moi qu'on confie la mission, étant française. Après avoir appelé, rappelé et encore rappelé, ayant été victime toute la journée de fatigue chronique, de logorrhée dénuée de sens et de trous noirs où est tombé l'essentiel, après en avoir ri des heures durant, nous voilà presque fins prêts pour partir. La sorcière Oggy nous joue un mauvais tour en nous privant des sacs de couchage qu'elle avait promis de nous louer: finalement c'est pour ceux qui ont fait rentrer de l'argent dans les caisses en payant un "tour". Galère de sac de couchage épisode 1: nous partons chercher des "winter sleeping-bag" avec Davina à 9h du soir dans la capitale, mais nous finissons par louer 3 sacs de couchage légers, avec le mien ça nous en fera deux chacune, on est frileuse, et alors? Bus puis taxi, et en moins d'une heure nous arrivons à destination le lendemain. Surpris par le cadre qui se rapproche plus d'une banlieue que de l'idyllisme, nous partons nous concerter en haut d'une montagne, où mes deux israéliens me feront goûter au fabuleux café Turc, traditionnel et prisé en Israël, au goût de cardamome. Un régal. Voyager dans un voyage, j'adore les rencontres. Nous redescendons après avoir conclu un programme : balade à cheval demain matin, puis on entamerait dès l'aptes-midi une longue marche de 30km pour rejoindre le parc national de Terej. Ça donnait bien. Le Français qui nous accueille est assez brut de décoffrage, Davina et lui n'arriveront pas à accorder leur violons, la vodka n'a pas aidé ce Monsieur à être poli et cohérent, et je l'ai expédié et soigneusement rangé dans ma case "je n'aime pas" lorsqu'il a fini par tenir des propos limites, tout en clamant son appartenance à la France. Après un long débriefing avec Davina et Shachar dans la chambre, espérant de tout mon cœur qu'ils ne rejetteraient pas mon pays pour un personnage, la tension retombe et nous nous endormons. Cet homme nous avait préparé une belle balade à cheval, pendant laquelle il s'est montré bien plus agréable et en fait, avec une personnalité bien plus complexe que le mot "méchanceté" pourrait résumer. Il nous autorise à lâcher nos chevaux sur une plaine sans fin, et l'adrénaline jusque dans le bout de mes doigts, lorsque je regarde son cheval à mon niveau, j'eu presque la sensation qu'il allait se démembrer tellement il lançait ses membres loin. C'était incroyable. Après être montés sur la colline qui surplombe la ville, nous rentrons à la guesthouse, descellons nos chevaux et partons d'emblée avec nos gros sacs marcher en direction de Terej. Nous faisons peine à voir, surtout Davina qu'on aperçoit plus derrière son 80L, deux sacs de couchages fixés de part et d'autre, lui donnant un air de fusée titubante. Shachar prend soin de nous et, surement plus sportif, marchant plus vite, il nous organise des pauses "café-turk", pendant lesquelles nous nous effondrons sur l'herbe, de fatigue et, la plupart du temps, de rire. Après avoir longtemps cherché de l'eau, nous arrivons à un village sur les coups de 19h qui vient de mettre en route l'abreuvoir municipal. Comme beaucoup d'autres villageois, nous remplissons nos gourdes, et c'est là qu'un viel homme nous fait signe de le suivre, et malgré la barrière de la langue, on comprend qu'il nous invite dans sa yourte et à rester chez lui pour la nuit. Nous le suivons lorsqu'il prend l'initiative de ramasser nos sacs. Nous sommes accueillis dans une belle et grande yourte, qui me paraît luxueuse par rapport à celle de Namda et Bolt, mais j'y retrouve vite mes repères. Les us et coutumes commençant à rentrer: ne pas frapper à la porte, entrer dans la yourte avec le pied droit, tourner dans le sens des aiguilles d'une montre, offrir un cadeau, tout accepter, rien refuser, et profiter de la joie de vivre de merveilleux mongols. Nous offrons une bouteille de vodka, eux, nous servent à boire et à manger, une soupe chai-momo (soupe de lait aux raviolis), ainsi que des bonbons, du vin rouge pour les femmes et de la vodka pour tout le monde. Un petit poussin de balade. Apres avoir chanté, improvisé dans nos langues respectives, si heureux de nous accueillir, ils nous demandent de les suivre dehors. C'est alors qu'ils allument la sono de leur mini-van et dansent en buvant dans la rue, ce que nous nous empressons d'imiter. Ce fut alors un moment inoubliable et haut en couleur qui s'imprima dans ma mémoire. Nous sommes restés un long moment à danser, invitant les passants, buvant et chantant, communication festive palliant la barrière du langage. Pas question de s'arrêter en si bon chemin, ils nous emmènent ensuite chez les voisins, qui à leur tour ont branché leur sono et ont dansé avec nous après nous avoir donné un câlin, du fromage, du chai et du pain. Non content d'avoir assez fait la fête, nous montons ensuite dans leur voiture, le couple de vieux qui nous ont invités, Davina, Shachar et moi, tous les 5 entassés sur la banquette arrière, les voisins, un couple encore plus vieux, à l'avant. Nous ne savons ni où nous allons ni pourquoi mais terriblement heureux d'être dans cette voiture. La fête, c'était le trajet: musique, rires, chants, on s'arrête 20mn plus tard à destination, pour repartir aussitôt en sens inverse, avec deux nouvelles invitées: 2 bouteilles de vodka. Toutes les 5 mn, nous nous arrêtons, coupons le moteur, et portons à toast, chacun, dans toutes les langues. Le couple à l'avant se débride, ils s'embrassent, chose que je n'avais pas vu depuis une éternité. Après avoir changé de conducteur, nous repartons, j'observe le ciel étoilé et me répète à quel point je me dois de profiter de cet instant, à quel point je suis chanceuse. Je dis au ciel que je l'aime et replace la tête dans la voiture, continuant à singer le chanteur de la musique en faisant semblant de connaître les aires traditionnels mongols. Je "meumeume" bien les paroles puisqu'ils vont jusqu'à couper la musique pour mieux m'écouter: Aie! Nous nous couchons vers 1h, se répétant que demain allait être dur, il nous reste 18 km avec ces sacs si lourds, et Davina doit absolument attraper le bus de 19h à Terej, pour retourner à Oulan-Bator dans la soirée. Le couple nous installe un matelas improvisé sur le sol, ne sachant trop qui mettre à côté de Shachar. Nous nous endormons avec un petit poussin qui ne cesse de venir se coucher dans nos cheveux. Le réveil sera à l'image de la fête : explosif. Pas d'ivresse sans gueule de bois, pas d'omelette sans casser des œufs. La femme s'est levée pour traire les vaches puis aussitôt recouchée avec une mimique voulant dire quelque chose du genre : "sortez cette enclume de ma tête". Le mari allume la TV pour nous, il nous met "Monstres et Compagnie" pendant qu'il masse la tête de sa femme. Image merveilleuse, avec nous trois, allongés sur le sol, Davina toujours endormie, moi sur le ventre à éclater de rire devant ce film que j'adore et à penser à l'horrible doublage mongol, Shachar assis à nous regarder toutes les deux et à se demander si tout son voyage allait être comme ça. Nous finissons par partir, une heure plus tard, poussées par Shachar inquiet pour le bus. Nous marchons une heure, mais n'avançons guère, marche rythmée par nos fous rires, nous finissons par nous arrêter, fatigués, pendant plus longtemps qu'on a marché. J'en profite pour alléger nos sacs de l'inutile et part offrir une bouteille de sauce tomate à un homme que j'aperçu à un petit kilomètre (on est toujours dans la steppe). Il me regarda alors comme on peut regarder une étrangère seule débarquer, sans sac, de nulle part dans un village perdu en Mongolie pour lui offrir du Ketchup. Nouveau fou rire avec Davina. Nous arriverons à Terej vers 19h, après avoir affronté la fatigue, la neige, la grêle, la pluie, la fatigue de nouveau, et le tournis. Nous nous arrêtons à 3 km de la fin, profitant du soleil qui a déjà séché l'herbe, Davina fait vibrer son bol tibétain, la vue est splendide. Lorsque nous repartons, la pluie retombe, comme pour renforcer le caractère mystique du pays. Nous passons sous un arc-en-ciel mais ce ne sont que des détritus annonçant le village de Terej qui font office de trésors. L'endroit est splendide et j'aurais pu choisir du rester avec Shachar les 4 jours qui me restent avant mon départ en Russie, mais la fatigue est trop grande et j'ai besoin de me reposer. Nous rentrons donc tous les trois à Oulan Bator, pas de bus mais un Mongol s'est gentillement proposé de nous ramener. Le paysage est extraordinaire derrière ma fenêtre mais la fatigue à gagné mon corps, le froid l'immobilise, et mon humeur est tout à coup glaciale. Je n'avais pas ressenti une fatigue si anesthésiante depuis bien longtemps. Le lendemain, Davina s'en va, et Shachar à la surprise de tous lui offre une enveloppe dans laquelle il lui a visiblement écrit un mot, belle intention. Je la serre fort contre moi, comme si je disais adieu à une sœur, puis, nous partons avec Shachar trouver une nouvelle guesthouse, lui pour chercher des compagnons de route, moi pour recharger les batteries avant mon départ en Transsibérien. Nous passerons la journée à s'approprier, de notre musique et notre joie, la cuisine américaine, le salon et la musique cuisinant pour tout ce nouveau monde que nous ne connaissons pas encore mais qui deviendra très rapidement nos compagnons du "dimanche", qui était un lundi. Bref, les jours qui s'en suivirent furent revitalisant, d'échanges, de rencontres, de partage, de musique, de déjeuners partagés, de rire, de plateaux TV avec mes deux grands frères Luuso et Shachar, puis leur départ, des "au revoir" très émouvants, une enveloppe pour moi aussi, la veille de mon propre départ en Transsibérien. Le soir même, seule, soudainement, une idée est venue me picoter l'esprit, alors que je regardais nostalgique la nuit tomber sur la capitale, que je voyais pour la dernière fois. Un sentiment de fin me glaça, comme si je prenais l'avion demain. C'est vrai, dans ma tête le train sonne comme un retour, une fin de voyage, pourtant, je suis maître de choisir et .. Libre? C'était une certitude, demain j'irai à l'ambassade de Mongolie allonger mon visa de deux semaines, prolonger mon voyage, rejoindre mes acolytes et je n'irai pas à l'autre bout du monde (Vladivostok), je passerai moins de temps au lac Baikal, et seulement deux semaines en Russie. Cette idée n'a pas arrêté de basculer et rebondir toute la nuit de la certitude à l'incertitude, et, au réveil j'étais revenue sur ma décision. Je préfère regretter d'avoir fait et vu plutôt de n'avoir pas fait, au profit d'une chose que j'ai déjà expérimenté et dont l'envie est alimentée par une appréhension de la fin. Et Toc. Ça veut rien dire, juste qu'à un moment il faut trancher et puisque je suis incroyablement chanceuse d'avoir obtenu un visa d'un mois en Russie depuis la Mongolie (seuls les français le peuvent), alors autant en profiter, et Oggy, de me conforter là-dedans avec pour une fois désintérêt financier. Semaine 42 - Vers le lac Baikal C'est à 21h que le Transmongolien quitte Oulan Bator. Je suis en 2nd classe, appelée "Kupé", c'est à dire un compartiment à 4 lits. Ce con d'Allemand, avec qui je partage le compartiment, aura la bonne idée d'aller pisser sur le quai à la frontière Russe. Autant dire : "regarder je suis là et je vous pisse à la barbe ". Il a été arrêté par la police et, faute de transport pouvant le rapatrier à Oulan Bator, il sera remis dans le train. Une éternité s'écoule à la frontière Russe, et, brusquement, des visage dépourvus de quelconque trait asiatique apparaissent: je suis en Russie. Transition sans transition, j'ai quitté l'Asie même si j'y suis officiellement encore. Quelques visages mongoles passent de temps en temps sur le quai, mais aucun "entre-deux". Je me surprends à être intimidée devant des yeux bleus dans lesquels je me noie, ayant l'habitude de ne croiser que du noir depuis 10 mois. Je mets du temps à m'habituer à ces physiques familiers. Après 30h de train, nous arrivons enfin à la gare d'Irkutsk, ma première étape en Russie. J'en profite, j'essaie d'acheter mon billet pour Vladivostok pour la semaine prochaine, ayant même préparé un petit billet sur lequel j'ai pris soin d'écrire en cyrillique, mais on m'envoie chier, on me renvoie d'un guichet à un autre, me répond un russe qu'évidemment je ne mouche pas mot. (Si j'ai écris sur un papier c'est pas que j'avais peur d'oublier ma requête: JE NE PARLE PAS RUSSE!) Un jeune vient à me secours pour m'indiquer un 3e comptoir, où je finirai par abdiquer. Dans la foulée, je prends le bus pour l'île d'Olkhon, qu'on m'a conseillée, et presque supplié d'aller voir, j'y resterai 5 jours. Les deux anglaises et moi grimpons dans un minivan et, après avoir été gentiment aidée par un local pour acheter une carte SIM, nous décollons. Environ 6h de trajet sur une route droite et goudronnée, je m'endors instantanément sans même me contrôler, quel ennui que ce mouvement rectiligne ! Malgré une nuit agréable, bercée par les balancements du train, j'ai les yeux explosés par une fatigue récurrente, et je peine à les garder ouvert même devant la beauté du Lac Baikal et de l'île d'Olkhon. Arrivées à Nikita's Homestay, une espèce de grande guesthouse où tous les repas sont inclus et à base de poissons du lac (un régal), je me prépare déjà pour partir dès le lendemain randonner pour atteindre le Nord de l'île, à 40km réputé pour sa beauté. Ce trek je le ferai seule, même si les deux anglaises ont le même planning, pas de feeling particulier, il est temps de marcher seule cette fois-ci :) L'accueil froid des réceptionnistes ne me désarçonne pas, et je l'attribue, (je ne savais pas à quel point à tort) au retour progressif vers des cultures moins accueillantes. C'était juste propre à la réception, sûrement pas à la Russie. Je fais dans la soirée connaissance de Marie, volontaire française à la guesthouse, qui parle Russe et avec qui je m'entendrai à merveille. Elle me conseille de rencontrer Nicolas, vivant sur l'île depuis un an, il sera plus à même de me conseiller concernant mon trek. Ça ne rate pas, il me montre l'itinéraire que je dois prendre, les points incontournables, et me propose même une autre solution: me déposer au Nord, ce qui me permettrait de rentrer en deux jours. Je joins donc l'expédition du lendemain qui part au nord, et, après avoir eu droit au déjeuner cuisiné par le chauffeur (excellent), je pars, vers 13h, sac à dos en place, sur lequel j'ai fixé une tente que j'ai louée, mon sac de couchage, 6 snickers, du pain, un sandwich et une tomate! Je quitte le groupe et commence à marcher, la peur au train, car même avec 10 mois de voyage dans les pattes, la peur est toujours un sentiment qui arrive et repart, m'anime et me traverse d'adrénaline, me passionne et donne des couleurs à mes défis. Peur de quoi? De mon imagination débordante. Je sais pertinemment que, une fois confinée dans ma tente ce soir, je prêterai à la forêt toutes sortes d'animaux dévoreurs de Manon, et aux bruits anodins toutes sortes de visages effrayants. Surtout que, je trouve ça vraiment difficile de se sentir en sécurité lorsqu'on est enfermé toute une nuit dans un objet coloré, visible de loin, sans pouvoir soi-même voir quoi que ce soit. Je trouverais ça plus rassurant de dormir à la belle étoile, pouvoir prendre mes jambes à mon coup si un monstre apparaît quoi! Bref, je commence donc ma marche sous un soleil éclatant, je longe la côté Est, magnifiques paysages, je ne peux m'empêcher de m'arrêter tous les 500 mètres. Les steppes sont bordées de falaises qui s'enfoncent silencieusement dans le lac, lac qui ne fait que refléter le ciel, un vrai miroir qui s'étend à perte de vue. Quelques montagnes flottent au loin, comme portées par un filet de nuage. C'est absolument incroyable, chaque seconde, chaque brise, chaque foulée me baigne de plénitude. Je souris et me surprend même à me prendre en photo. Un peu plus loin, j'aperçois des chevaux, impressionnants eux aussi, n'étant plus habituée à la taille "standard". Ils ont pourtant l'air bien plus effrayés que moi. Je profite du temps et de la vie en m'asseyant une heure avec eux, les habituer à ma présence, me rapprochant un peu de temps en temps. Leur liberté les rend magnifiques, leur curiosité les pousse à s'approcher de cette chose étrange et immobile assise à quelques dizaines de mètres. Mais pas trop près quand même, ça fait trop peur. Je continue mon chemin, et, 4 heures plus tard j'arrive à l'antenne sur une montagne dont Nicolas m'avait parlé: en haut de celle-ci, une vue à couper le souffle. Derrière la montagne: le village où je suis censée camper. Après avoir trouvé un faux-plat sur la pente que j'avais choisie (tout le "vrai plat" était inondé), je monte comme je peux ma tente, à la lisière de la forêt. Comme je peux car, j'ai dû creuser loin pour accéder à mon ancien savoir en matière de tentes, enfoui bien profond dans ma mémoire. Une fois le travail fini, je me retrouve face à un igloo rouge et bleu, absolument discret. Pensant éviter le froid de cette manière, je m'efforce de m'endormir tôt. Manque de peau, c'était une mauvaise idée. Somnolant quelques heures, grelottant de froid, j'ouvre tout à coup les yeux vers 23h30, le froid ayant gagné tout mon corps, dont la fatigue était complètement partie. Merde. Je me rue alors sur mon sac et m'empresse d'amputer mes provisions d'un snikers ou deux avec l'étrange idée que ça me tiendra chaud. Mais j'ai toujours aussi froid, dans mon super sac de couchage "confort à 15 degrés", c'est-à-dire, "inutile à zéro". Échec! J'entends encore le village à quelques centaines de mètres et je me vois aller frapper à leur porte demander l'hospitalité, mais l'idée même de quitter mon duvet me glace. Comme par magie, je me vois tout à coup suivre une femme, une Russe, qui soucieuse de la femme seule sous sa tente est venue silencieusement me chercher, et m'indiquer sa maison. J'y entre, le poêle réchauffe les murs, je suis tout à coup enveloppée de chaleur, on m'offre une couche et des couvertures , quelle bonté ces Russes. Je m'installe confortablement, le sourire aux lèvres prête à m'endormir, en bénissant ma bonne étoile toujours là pour me sauver in extremis. Et dire que j'ai failli passer la nuit dehors sous cette tente, dans un froid tétanisant... quand tout à coup. Je me réveille dans la tente, comme si le bras du froid m'avait rattrapée et agrippée dans mes songes pour me ramener à la réalité: "Et oh, rêve pas trop". C'était pire que tout, de la torture mentale. Voilà les seules 10 minutes durant lesquelles j'ai pu dormir, et rêver, jusqu'aux premières lueurs du jour à 5h. Pour tout vous dire j'avais fini par trouver une technique : couchée sur le côté, je plaçais mon bras sous mes côtes pour protéger mon buste du froid qui venait du sol. Évidemment le sang ne circulant plus dans mon bras, ça me forçait à rouler sur le dos toutes les 30 minutes pour laisser le sang regagner mon épiderme, et me remettre sur le côté. Inutile de préciser que je placerais volontiers cette nuit dans le top 3 de mon dernier article... Bon en vrai, qu'on se le dise, je suis frileuse. Je plie ma tente vers 5h30, après avoir admiré le seul bénéfice de se lever si tôt/ne pas dormir : un lever du soleil sur le Lac le plus beau au monde. Cette vision me réchauffa instantanément. La marche qui s'en suivie fut longue et fatigante, poursuivie par un nuage silencieux qui s'engouffrait derrière moi dans la vallée. Le soleil a fini par rapidement me réchauffer, me taper, voire à la fin, me cramer. C'est cette fois sous une canicule arasante qu'à midi, je quittais la forêt pour continuer les 15 derniers kilomètres dans la steppe, dénuée d'ombre quelconque. Mon écharpe comme couvre-chef, mon dos et mes jambes n'en pouvait déjà plus, mon cerveau tapait contre mon crâne. Un pick-up s'arrête, deux hommes me regardent, redémarrent et s'arrêtent à mon niveau me faisant signe de monter. Je me serais pincée pour être sûre que ce n'était pas un mirage cette fois-ci. Je les regarde, regarde la route devant moi, et monte tout en me persuadant qu'il est très important de savoir renoncer dans la vie. A la guesthouse, ils ont un piano et organise des concerts tous les soirs: musiques traditionnelles, chants ou pièces de théâtre improvisées. Du coup, j'ai pu toucher les touches d'un vrai piano, pour la première fois depuis presqu'un an. Inutile de préciser le bonheur que c'était, surtout de jouer du Rachmaninoff sur ses terres natales. Le lendemain, je décide de baisser un peu la barre: je demande cette fois-ci a être déposée dans le Sud de l'île, à seulement 15 km. Je remonterai à pied jusqu'au village, en longeant la côte, croisant chevaux, vaches, moutons, bref, un régal! Après quatre jours passés sur ce paradis sur Terre, écouter les histoires, légendes, à squatter le piano ou les douches payantes sans payer, 4 jours à rencontrer du monde et toujours se retrouver à la "cantine", autour de super repas, je suis repartie, comme je suis venue, comme à chaque fois.

17 juin 2013

En quittant la Mongolie

"Rêve". C'est le mot employé par beaucoup et par vous tous. "Rêve", c'est la Mongolie elle-même. Les steppes, vastes étendues sauvages, la taiga, et ses forets pleines de loups, les chevaux, animaux symboliques, l'histoire poignante, avec Chinggis Khan et cette armée mongole invinciblement déroutante. "Rêve". C'est le mot qui m'habitait aussi lorsque j'ai foulé pour la première fois le sol de la Mongolie, mais c'est beaucoup plus ancré dans la tête qu'il est aujourd'hui que je quitte ce pays. La Mongolie, trois fois plus grosse que la France pour seulement 2,75 millions d'habitants (dont 1,5 dans la capitale), regorge cependant de magie et de mystères. Ça fait rêver, et plus rêver encore. On ne s'arrête pas de rêver. Avant d'y aller, on en rêve, sur le chemin du lac Kovskol, on en rêve, à dos de cheval, de renne, de chameau ou de yak, on en rêve, et en partant, plus encore on en rêve, lorsqu'on pense au prochain périple, au potentiel inexplorable d'un pays si extraordinaire. La difficulté aussi est de raconter ce rêve, tout en sachant inévitablement ne que je ne serai pas à la hauteur de l'indescriptible. Surtout qu'avec le retard accumulé, ce ne sont pas deux semaines que je vais narrer mais un mois complet, un pays entier compressé dans un article, scindé en centaines de phrases, milliers de mots et dizaine de milliers de lettres. Vous voyez la mission impossible. Sûrement ai-je repoussé ce moment au plus tard, devant la tâche ardue. Mais je me lance, et pour rendre plus agréable la lecture j'ai simplement rédigé les trois premières semaines, mon arrivée et mon voyage au Kovsgol lake dans les familles d'éleveurs de Rennes, puis mon séjours "bénévole" dans une famille mongole. J'espère qu'en lisant, vous aurez non pas une image plus concrète à accoler à ce "rêve" mais qu'il sera enrichi d'envies et alimenté de nouveaux mystères, alors j'aurai réussi à faire passer un peu de Mongolie.
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17 juin 2013

Semaines 38, 39 et 40

Semaines 38 et 39 - Les éleveurs de rennes Déjà à travers la vitre du Transmongolien, je les contemplais. Déjà, c'est le nez collé aux carreaux, et à travers ma propre buée, que j'eu mon premier aperçu de la Mongolie. Plateaux plats comme son nom l'indique, secs et sans couleur, vastes et sans vie. C'est les yeux déjà pleins de questions que j'admirais cette si fameuse "steppe". Ça n'avait rien de miraculeux, rien d'extraordinaire mais c'était curieusement enivrant. Puis au bout de ces longues étendues, comme posée bizarrement, la capitale s'annonçait. Rien ne collait, je m'attendais presque à voir la ville décoller et rendre à la steppe sa liberté sauvage et son vide caractéristique. En arrivant à la gare d'Oulan Bator, c'est le vent qui m'invita le premier, rendant ma coupe de cheveux transmongolienne encore plus farouche, plissant mes yeux loin derrière leurs poches, infiltrant mes vêtements poisseux d'un froid sibérien. Oggy (retenez bien ce prénom qui aura son importance par la suite), non pas un cafard mais capitaine du paquebot "Golden Gobi guesthouse" accueillait de ses petits panneaux et de son sourire hypocrite, les chanceux de la loterie qui ont réservés à l'avance dans son auberge de jeunesse. Auberge de jeunesse "comme à la maison", cuisine américaine et salon en bois, dortoirs et salle télé, bref une espèce de grande colocation dans laquelle une dizaine de nouveaux voyageurs arrivent tous les jours. Des rencontres à la seconde, des amis de voyage, ces liens à la fois solides et légers, permis par le partage d'une même expérience. Éphémère. Je me rends vite compte de la difficulté de tenir ce rythme de voyage. Je n'avais ni guide touristique, ni quelconque idée de la monnaie locale, des coutumes, rien. Je n'avais rien lu, je ne savais pas où je voulais aller, et ça ne me stressais pas, j'avais confiance. Je sais combien les opportunités sont nombreuses, combien les événements inattendus ont guidé mon voyage bien plus que mon Lonely Planet. Une seule idée était dans ma tête: traverser la Mongolie à cheval, un cheval que je voulais acheter. Je me suis vite rendue compte que ce plan demandait beaucoup plus d'organisation que je ne disposais de temps. Mais ce sera pour le prochain voyage, c'est certain. J'ai donc décidé de quitter la capitale, après avoir arrangé mon visa Russe à coup de gros billets, avoir acheté mon ticket de Transsibérien pour Irkutsk le 13 Juin et avoir rencontré des dizaines de personnes fabuleuses venant des 4 coins de la planète. Italie, Chine, Afrique du Sud, Grande-Bretagne, France, Allemagne, Hollande, Agnès, Tim, Léon, Lorenzo, Martin, Et... Merde, j'ai déjà oublié leur prénom. Les prénoms, les nationalités, ne comptent pas vraiment, on oublie parfois de se les demander, sachant pertinemment qu'on les oubliera. C'est cependant un amour fraternel qui nous lie rapidement et à chaque fois, ce sentiment d'appartenance à la même famille, partageant tout, du matériel à l'immatériel, la crème anti douleur aux tranches de rigolade, la bière comme son histoire, la vodka comme les souvenirs, le temps comme les massages, en passant par les cartes SIM, les dîners, les photos et j'en passe. Le dernier échange reste le câlin d'au revoir, bien plus approprié que la bise française, et s'envolent alors petit à petit les noms, les visages, même si reste gravé à jamais le sentiment d'avoir appartenu, en Mongolie, à une grande famille d'adoption. Oggy n'a pas voulu m'aider, trop occupée avec les seules personnes importantes : ceux qui réservent un tour avec elle. Le Dimanche, je pars donc pour le fameux lac Kovskol, en bus, et déciderai là-bas de la suite. Loren, Lorenzo et Martin ont constitué ma team. Les 18h de bus avaient commencées sur la route, et, soudain, comme piqué par une mouche bizarre, il l'a quittée pour rouler sur l'herbe de la steppe. Déjà, les paysages arrondies de collines, l'herbe jaunie, les troupeaux de chevaux en liberté, une yourte tous les 5 kilomètres, et l'imagination qui s'emballe derrière ces étendues fantastique. On arrive au petit matin à Moron, sans plan précis, mis à part rejoindre le lac. Nous nous mettons à chercher: marché, transport, station de bus et office touristique, mais nous ne trouverons rien. Se repérer sur le plan? Impossible. Après avoir passé deux heures à tenter de s'orienter dans cette ville fantôme, nous finissons par abdiquer, déposant nos sacs et nos fesses dans une petite maisonnette bleue, comparable à une cabane pour enfant, qui s'activera, crachant sa fumée, pour nous préparer un petit déjeuner: des raviolis frits fourrés à la viande. Plus tard, par chance, nous rencontrons dans la rue un Mongol, Tuk, qui se propose comme guide pour nous emmener à la rencontre du peuple nomade éleveur de rennes, à plusieurs jours de route. Situés à l'Ouest du Lac, dans un parc national protégé, ils ne sont plus que 400, vivant dans des tippies et se déplaçant sans cesse. On a déjà des yeux qui pétillent d'envie, on s'empresse d'organiser tout ça dans la cabane. Tuk nous trimballe en voiture: permis, courses , banque, station de bus, puis guesthouse. Nous partons dès le lendemain. Le Mardi 21 Mai, ce n'est pas une jeep qui vient nous chercher, ni van, ni pick up mais un monstre tatoué de l'inscription "Racing Sport". La couleur était annoncée. Quatre roues énormes, des suspensions tel un boggy, la portière à presqu'un mètre du sol, on monte dans ce minivan "russe". Se doutant de rien nous avons sorti notre jeu de carte, profitant des sièges se faisant face à l'arrière et de la petite table au centre. Après quelques minutes à jouer tranquillement, le minivan quitta la route goudronnée pour s'engager dans l'herbe, les trous, les fossés, les rivières, les cailloux, les lacs glacés, décollant, volant, se rattrapant, sautant dans la steppe tel un mouton enragé, quittant le sol toutes les trois secondes. "Mara" était au volant, un conducteur hors paire, presque debout plus qu'assis, faisant de grands gestes de gauche à droite avec ses bras pour maintenir la direction et déjà en sueur de la tête au pied. On a vite lâché nos cartes pour s'accrocher à la première chose qu'on trouvait. On a fini par attacher la Gopro sur le parc-choc: c'était du vrai Racing Sport. Notre but étant de rejoindre les éleveurs de rennes, il nous faut d'abord rejoindre la forêt, puis continuer à cheval. Après avoir fait une halte pour la nuit, nous repartons pour notre deuxième journée de route, toujours au son du CD 3 titres de Tuk, qui commençait déjà à faire grincer des dents. Les chants traditionnels, le rap ou la musique électronique mongols, j'aime bien, mais là, on se rapprochait du lavage de cerveau, volume à fond. Vers midi, le Mercredi, nous arrivons à la lisière de la forêt, dans un ranch dominé d'une maison en bois. On nous offre pain et thé au lait à volonté, sourires, attention et chaleur humaine à déborder. Qu'ils sont beaux ces mongols. Pendant que nous cuisinons avec Loren, les mecs sont restés à l'extérieur regarder les mongols attraper au laceau nos chevaux. Ce fut un beau spectacle. Après avoir mangé, Lorenzo faisant la vaisselle se verra sermonné par Tuk, "Oh my god, is it like this in your country? Women don't make the dishes?". On nous attribue ensuite nos montures en fonction de la longueur d'étriers de leurs scelles. J'ai de la chance, je monte le cheval le plus gentil sur une scelle russe, c'est-à-dire plus de coussins que de cuir. Lorenzo, lui, a moins de chance, il a la scelle mongole en bois. Difficile challenge pour une première fois à cheval. C'est sous la pluie que nous partons pour 4-5h de cheval. Si je n'avais pas laissé mon esprit critique en Chine, j'aurais dis qu'ils montaient les chevaux à leur manière, accrochés aux dents du cheval qui, en lutte perpétuelle, fini par saigner de la bouche. En Mongolie le cheval n'est qu'utilitaire. Le beau cheval blanc monté par Mara déjà m'obsède, j'ai bien demandé à essayer de le monter, on m'a simplement répondu d'un rire. Et d'un "Wild horse". Les fesses en compote et les doigts gelés, nous apercevons soudain un objet blanc non identifié au loin. Intrigués et perplexes, ne sachant si on s'apprête à affronter un loup ou un chien, on finit par distinguer notre premier renne. Bien plus petits que ce que j'imaginais, c'est tout un troupeau qui se fendra sur notre passage. Un instant magique, inoubliable, où l'irréel devient palpable. Nous sommes invités dans un tippie sous lequel nous passerons deux nuits. On nous offre à manger et à boire, et grâce à Tuk nous pouvons échanger quelques questions avec le vieil homme qui nous accueille. Il nous explique qu'ils bougent 4 fois par an, qu'en hiver lorsqu'il fait -55 ils montent des tippies plus petits pour se rapprocher du poêle au centre, qu'un tippie ne met que 15 minutes à être monté en moyenne, qu'ils ne se nourrissent essentiellement que de farine, de vodka, de lait et de viande. (5 fruits et légumes par jour? Échec) La balade au soleil couchant offre des couleurs splendides sur ces beaux rennes aux bois parfois couverts de fourrure, parfois nus, parfois inexistants. C'est avec la sensation que le père-Noël va se pointer demain que je me couche, entre Mara et Loren, tous allongés et serrés comme des sardines en étoile autour du poêle. La vieille femme nous regarde nous endormir, assise, après nous avoir couverts de tous les vêtements et manteaux qu'elle a pu trouver. Je me souviens avoir passé des nuits glaciales dans ma vie. Celle d'Amsterdam sous tente avec Nanou, pataugeant dans la flotte il y a bien 4 ans, et celle sans tente si couverture avec Tifenn en colo sur une plage de Grèce, il y a 8 ans. Cette nuit-là rentre facilement dans le top 3, je n'ai pas fermé l'œil de la nuit tellement le froid se collait à moi. Ce grand mystère planait alors dans ma tête comme seule compagnie : comment font-ils pour dormir à -55? Je compris comme le mental à ses habitudes, comme le corps s'adapte, comme la nature est incroyable. C'est cette vieille femme qui m'a tirée de mon cauchemar, avec le simple son de la porte du poêle qui s'ouvre, y glissant la première bûche matinale. Un renne aux bois majestueux passe sa tête dans le tippie. Vais-je me réveiller ? Après un petit déjeuner à base de pain et de "chai" (thé salé au lait), nous partons à la découverte de ce monde magique, s'attendant à tout moment à tomber sur le traîneau du grand barbu. Après avoir observé les femmes traire les rennes, après s'être invités dans un autre tippie, avoir admiré la peau de loups chassés, nous sommes montés à cheval, profitant de nos montures pour aller contempler les alentours. Un lac gelé, entouré par des rennes, une vue splendide en arrière-fond, des montagnes enneigées: un rêve éveillé. Nous descendons de cheval, partageons un peu de vodka proposée par Tuk et Mara, qui nous ont trouvé des noms mongols à chacun, je serai "Mourkgritz" (Forever Light), à côté de mes amis Forever Acts, Forever Happy et Forever Flower. Je profite de ce moment convivial, allongée dans l'herbe, pour demander à peine perdue de monter le cheval blanc. Ce sont des rires qui accompagnent par requête: rejetée. Tuk m'affirme pourtant: "tomorrow". Après avoir été au petit marché local organisé pour notre venu (deux couvertures sur le sol et des objets artisanaux), nous avons assisté à la préparation de 10 rennes, scelles sur le dos, qui sont partis avec le vieil homme de notre tippie chercher une famille. À leur retour, ils se sont empressés de monter leur tippie, à peine étions nous allés chercher nos appareils photos qu'ils avaient fini. C'est là que Mara proposa à Martin de monter à cru son cheval blanc, puis à Lorenzo, puis les deux en même temps, des chutes, des rires, et deux dégoutées. Ils n'étaient jamais monté à cheval avant hier. En rentrant au tippie, les garçons s'excusent, adorables qu'ils sont, d'être des hommes et d'avoir plus de chance. Mais lorsque j'entre dans le tippie, la gente masculine assise autour du poêle me regarde, et Tuk de le lancer : " Mourkgritz, Wood" tout en pointant le tas de bois dehors. C'est en souriant que je me suis appliquée à servir ces messieurs, c'est la culture, c'est comme ça, et Loren, solidaire, est venue me prêter main forte. La deuxième nuit fut moins catastrophique, achevée également par le son du bois crépitant dans le poêle. Toujours pas de père Noël. Le vendredi, nous repartons donc en direction de la lisière de la forêt, à cheval. Lorenzo, l'arrière-train malmené par le bois de sa scelle, n'en pouvait plus, je lui proposai d'échanger nos montures. Je connue alors sur 3h sa souffrance des dernières 48h. Lui, m'avoua que je venais de faire la chose la plus merveilleuse depuis notre rencontre. Je m'explique: Étriers si petits que mes talons touchaient les fesses, fesses trop grosses pour tenir entre les deux arcs de cercle en bois, bois de la scelle qui me rentrait dans les cuisses, cuisse en tension permanente pour maintenir le cheval, cheval si petit qu'il était impossible de différencier le trot du galop. Bref, tenir en équilibre relevait de l'impossible. Le trot enlevé me faisait raterrir sur la croupe, la position en équilibre me donnait l'impression d'être funambuliste. J'enlevai donc les étriers et fit travailler mes abdominaux, lesquels étaient en réajustement constant, mes fesses glissant de part et d'autre du canasson. En arrivant, je dû réapprendre à marcher. Après le déjeuner, j'osai demander une dernière fois de monter le cheval blanc, qui, loin d'être sauvage et dangereux était simplement apeuré et brutalisé. Après une vive concertation, j'ai eu la possibilité de monter, poser mes fesses, sourire, et redescendre: "finish" m'a dit Mara, après 5 secondes et 3 respirations. C'est mieux que rien, je suis descendu, entendant Mara répéter : "dangerous". C'est toi qu'est dangereux mon grand, dans ma barbe. Nous repartons en mini-van, avec quelques tensions, déjà le plan budgétaire établi trois jours auparavant demandait à être revu. On démarre, Tuk met la musique encore plus fort pour montrer son mécontentement, et nous de nous boucher les oreilles comme on peut, les deux mains déjà occupées â s'accrocher. Le chemin retour sera merveilleux en paysage, assourdissant en musique, et destructeur du coccyx. C'est en direction de Katgal que nous roulerons toute la journée, ville en bordure de lac, fin de notre "tour" avec Tuk et Mara, que nous atteindront le lendemain soir. Plusieurs péripéties ont pimenté la journée: - Panne N1: lorsque nous traversions une rivière, nous resterons coincés dans 1 mètre d'eau, le pot d'échappement faisait des bulles. - Panne N2: lorsque nous montions une pente boueuse, nous devrons pousser le minivan, et le rejoindre à 20 minutes à pied lorsqu'il aura réussi à repartir, -Panne N3: lorsque nous roulions sur le lac gelé et qu'il a fallu pousser et aménager un pont en bois pour faciliter la montée Après divers événements comiques du lendemain matin suivant, comme le vol de la tente des garçons, la recherche de la dite tente toute la matinée, nous sommes répartis pour une nouvelle journée de minivan enragé. A l'heure du dîner, nous sommes accueillis dans une maison de bois le long du lac Kovsgol, lac qu'on apercevait pour la première fois. Surprise: Tuk et Mara nous demande de les payer immédiatement et en totalité. Après avoir protesté, s'être indignés, nous avons fini par nous exécuter, ayant guère le choix. Une demi-heure plus tard, ils réclament alors davantage d'argent, n'ayant pas réussi à s'en tenir au budget. Encore une fois n'ayant pas le choix, nous nous résignions, après maintes négociations et un ton montant, nous payons l'essence manquante. En chemin, Martin et Lorenzo descendrons pour camper et rejoindre la ville le lendemain à pied tandis que Loren et moi sommes déposées à Katgal. Contentes de dire adieu à ces deux c***, nous sommes accueillies dans une belle yourte déjà chauffée, dans laquelle nous nous reposerons toute la journée du lendemain, en attendant les garçons. Papotage, shopping et cuisine, des trucs de fille quoi. On a même pu aller sur internet, une femme qui prête sa clé 3G et son PC: c'était assez étrange de se pointer chez elle comme ça, ouvrir la porte sans frapper (malpoli de frapper), accepter la nourriture proposée (malpoli de refuser), et sans mot dire, s'installer devant son PC portable. Autre fait bizarre: la douche. J'ai pris la douche au sceau en Thaïlande, dans la rivière à bien des endroits, au robinet ou au pommeau, mais là... C'était un système de pompe, il s'agissait de danser pour faire arriver l'eau, marchant sur les deux pompes reliées au pommeau. La danse de la pluie. Plus tard, en voulant rejoindre Loren au centre-ville, c'est bien ma veine, Tuk et Mara réapparaissent, me klaxonnent et se proposent de m'emmener en moto. Blague! C'est coincée entre ces deux rigolos que nous nous dirigeons au centre-ville. Une fois Loren retrouvée, nous réussissons à les semer et rentrons à notre yourte pour cuisiner. A l'heure du dîner, attendant toujours les garçons, ce sont de nouveau nos rigolos qui entrent dans notre yourte. Sûrement rêvaient-ils en couleur, pensant qu'on leur proposerait à dîner, comme le fait toute femme mongole qui reçoit un invité dans sa yourte. Ils s'allongent sur nos lits, prennent mon bouquin ou le journal de bord de Loren, échangent quelques phrases en mongol puis finissent par partir. On explose de rire. Et on explosera davantage de rire lorsque nous raconteront ça au garçons une heure plus tard. Nous sommes lundi 27 Mai, nous devons trouver un moyen de nous rendre à Moron à 100km car un bus nous attend pour rejoindre Oulan Bator, à 14h. Lors du petit déjeuner, Mara et Tuk débarquent de nouveau, confirmant les dires de Loren et moi, les garçons nous croyant à peine la veille. Ils s'installent comme à leurs habitudes, et repartent, nous disent au revoir, ils quittent Katgal. Bon vent. La femme de la guesthouse nous arrange une jeep pour Moron, tandis que nous partons relever un défi avant de partir: piquer une tête dans le lac gelé ! Bagages faits, tête piquée, ossements ramassés comme souvenir, nous attendons notre chauffeur pendant près d'une heure. Le temps passe et personne n'est là, arriver à temps relève tout à coup du challenge. Puis, un minivan arrive dans notre direction, et la femme nous annonce que notre chauffeur est là, il s'appelle Mara. Semaine 40 - Volontaire dans une famille mongole Le trio Laundry/Shower/Visa a échoué! Mes seules motivations de retourner dans la capitale. Je ne pouvais organiser quoi que ce soit seule (trop cher) depuis la lac Kovsgol vu qu'il n'y avait pas de touriste, mais j'espérais pouvoir squatter des heures la douche chaude, sentir autre chose que le bouc pourri, et récupérer mon identité auprès de l'ambassade. Et puis, surtout, trouver un endroit où je pourrais faire du volontariat. Après une journée à regarder nos photos sur grand écran, devant un dernier repas tous ensemble, se faire engueuler par Oggy pour la présence des mecs qui ne restaient pas pour la nuit, ils partent en moto tandis que Loren s'envole pour l'Inde. Je prends mes clic et mes clac pour changer de guesthouse, le Golden Gobi est complet le lendemain. Je rencontre Soko à "Ub Guesthouse", qui me trouvera ce que je cherche: une famille auprès de laquelle je pourrai rester, dormir, aider, apprendre. Tout est organisé pour le lendemain même, c'est elle-même qui m'emmènera, à 150km de la capitale, prix fixé au kilomètre. L'esprit léger, je rencontre de nouveau des voyageurs attachants, Juuso un finlandais, un couple d'Autrichiens, 4 français, d'autres finlandais, et c'est autour d'une table de 15 que nous passerons la soirée à rire, boire vodka et vin rouge et à partager un super dîner, comme si nous nous connaissions depuis 10 ans. Après avoir acheté des cadeaux pour la famille dans laquelle je vais, je monte dans la voiture de Soko et relève le kilométrage, en ce Jeudi matin. Soudain, en route, elle s'arrête et demande à être payée immédiatement et en totalité. Comme une impression de déjà vu, je refuse, non je te paierai une fois arrivées. Les larmes aux yeux, elle me dit qu'on fait demi-tour. Je la paye en m'excusant de l'avoir blessée, je n'avais pas l'intention de la voler, l'argent n'a pas d'importance. En réponse, elle sort de ses gongs, s'énerve toute seule, monte en grade, crache son venin destiné à je ne sais qui, et, comme finalité:" yesterday you were nice, today you're like... like... an OLD woman". Bim dans tes dents. J'ouvre la portière, donne libre court à ma susceptibilité (y a des choses qui changent pas), puis ravalant ma fierté, remonte dans la voiture, et sans mot dire, repartons pour la famille en question. "Non ma grande je ferai pas demi-tour à cause de toi". C'est paradoxalement à ce moment précis que je me suis sentie d'une force invincible. Sur les derniers 50 km nous roulons sur l'herbe de la steppe, entre chevaux et moutons, collines et rares yourtes, un puit, un pont, quelques poteaux électriques, et des étendues de plaines à perte de vue. En chemin, voulant rétablir le contact, Soko tente de me faire parler, jouant même la surprise lorsqu'elle apprend mon jeune âge. La couvrir de mon sarcasme aurait été inutile. Nous nous arrêtons devant une yourte, seule au monde. "Namda", une jeune femme, m'accueille avec le "chai" habituel (thé au lait salé), le pain et la crème de lait (du beurre). On me présente Bolt, son mari, et la petite Namona, leur fille de 4 ans, qui se met à tourbillonner des mains et faire des nœuds avec ses doigts lorsque je lui offre son carnet à dessin. Après quelques échanges traduits par Soko, j'ai pu comprendre qu'ils venaient de ramener et tuer une chèvre sur le palier pour moi. Ils sont en train de la dépecer, la vider, nettoyer les tripes, et faire bouillir le tout qui sera notre dîner. Comment vous remercier? Vous l'aurez compris, en Mongolie on ne refuse jamais la nourriture proposée, c'est impoli. Alors il a fallu que j'accepte tout: tripes du soir à 18h, tripes du matin à 8h, réveillant mes narines en sursaut, le cœur faisant un bon dans ma poitrine, opprimant l'estomac qui remonte jusqu'à la gorge. J'implore des yeux, mais accepte des mains. À vrai dire, le jour de mon arrivée, le Jeudi 30 Mai, malgré l'épisode "Soko", j'ai tout de suite été enchantée par mon arrivée. Adorable, Bolt me fait signe de le suivre sur sa moto, avec Namona. Il nous emmène, cheveux au vent, à travers la steppe aller chercher les moutons à un ou deux kilomètres, et, arrivés à leur hauteur, tout à coup Bolt fait jaillir de sa trachée des bruits d'animaux censés effrayer les bêtes et les ramener vers la yourte. À ma grande surprise, je me mets à hurler à mon tour, laissant s'échapper de mes poumons des cris de toute sorte. Et ça soulage. Après les moutons, Bolt nous a conduit encore plus loin, sur le haut d'une colline où des meubles s'entassaient les uns sur les autres, et une yourte en construction. Nous avons prêté main forte et ils ont trouvé le moyen de m'offrir manger, again. En bref, c'était un bon début. J'avais hâte de voir ce que me réserverai le lendemain. Ne parlant pas anglais, la première soirée fut timide, puis, nous avons au fil du temps pris l'habitude de faire de la pantomime, communication basée sur des déductions, images et énigmatiques interprétations. Mon Lonely Planet et ses "mots-cles" salvateurs en mongol était en libre service, et est passé dans toutes les mains. Un jeu intéressant et très enrichissant, même si frustrant. Le lendemain matin, Namda me couvre du manteau traditionnel violet, ceinture orange, incroyablement chaud et confortable. Ça y est je suis une locale. La journée commence par le lait: Namda m'a emmenée traire les vaches, une catastrophe. Je me débrouille comme un pied, m'y reprenant à trente fois avant de voir une goutte de lait sortir de son pie, et ai fini par faire tomber le sceau lorsque j'avais réussi à accumuler quelques millilitres. Namda prit alors ma place, et en à peine 1min30 avait déjà récupéré deux litres de lait. Pendant que Namda cuisine, Bolt découpe le bouc en morceaux et fait sécher la viande dans les croisements de bois que forme la yourte, à côté des chaussettes. La tête du bouc est à l'entrée, la trachée léchant le sol. On m'invite à balayer au râteau l'extérieur, ramasser les poils de moutons, les morceaux de laine qui sont tombés, parsemant le sol sur une centaine de mètres tels des flocons de neige: let's go! Je demande s'ils se servent de ces morceaux de laine pour faire des vêtements ou des couvertures, elle me dit oui. Puis, elle met le feu au tout. Ah bon bah non. Le voisin arrive à cheval vers moi et me fait signe de monter sur un magnifique cheval noir. Nous partons au galop dans la steppe à plusieurs kilomètres. Quelle sensation de liberté incroyable. À la gauche, un troupeau de chevaux en liberté galope à notre hauteur 500 mètres plus loin. Quelle magie. Nous nous rapprochons de l'immense troupeau de moutons que nous devons ramener: "Cris d'animaux et hurlotherapie", Episode 2. Mon compatriote de cavalerie sort mon harmonica de sa poche, s'en sert pour surprendre les bestiaux et ça fonctionne encore mieux! Après avoir bien ri, nous asseyons 10 minutes au sol, fumant une cigarette et repartant comme nous sommes venu, au galop. Quel bonheur de se sentir considérée d'égal à égal, avoir le droit de monter à cheval. Les scelles en bois, m'ont valu deux bleus entre les cuisses, les ischions débordant de part et d'autre de la partie en bois, les étriers toujours aussi courts, mais un cheval vraiment agréable, bien dans sa peau. On sent qu'ils étaient moins brutalisés. C'est sa femme qui m'invitera ensuite à la suivre jusqu'à sa yourte, à ramasser les pelures de moutons de son enclos, déjeuner et, comme si je pouvais emmagasiner plus de nourriture, elle m'offre pour la route un morceau de lait fermenté solide supplanté d'une bonne dose de beurre. J'apprends par la suite à cuisiner les "booses" ou "momo" ou "dumplings", en me jurant que je n'en mangerai pas, vu la quantité de graisse qu'ils fourrent à l'intérieur (80% pour 20% de viande). Encore une fois, on ne peut pas refuser. Ça commençait à devenir compliqué. J'ai réussi à vider à deux reprises mon bol de graisse animale dehors, car vraiment c'était inconcevable que j'avale ça. S'en est suivie une course aux veaux que l'on attache pour la nuit, gardant les mères à traire non loin. Le lendemain suivant, je fourre brosse à dent, lingettes, culotte dans mon sac, et pars dehors dans l'espoir de ne pas marcher trop longtemps avant de trouver une rivière. Pas d'arbre, ni rivière, ni même bosquet innocent derrière lequel se cacher. C'est-à-dire que même si j'enlève ma culotte à deux kilomètres, on verra le blanc de mes fesses. C'est là que le manteau traditionnel prend toute son utilité, il tombe jusqu'aux pieds et permet aux Mongols de ne pas montrer leur derrière à tout bout de champs dans la steppe. Je m'assois pour contempler la steppe du matin, vaste et régulière, s'étendant à perte de vue. Entourée de ces dizaines de petites taupes qui courent discrètement autour de moi (quand je dis autour c'est dans un rayon d'un kilomètre), je les regarde mener leur petite vie, le soleil du matin me réchauffe, le silence m'apaise, la brise caresse mon visage et le timide chant des oiseaux chantent ma bonne humeur . Une belle journée qui s'annonce. Bizarrement, Namda ne m'a pas attendu pour aller traite les vaches, étrange. Bolt revient avec un agneau dans les bras qu'il libere dans la yourte, Namona joue avec, Namda lui fait des bisous. Je n'ai jamais réussi à savoir l'objet de la visite de notre invité. Après quoi, tout en épluchant des patates, j'observe Namda qui prépare une potion de perlimpinpin, mélangeant eau et poudre verte avec une brosse à dent dans un verre: elle se fait une coloration! On me demande d'abandonner mes patates pour l'aider. On me fait signe d'y aller franco mais lorsque je renverse le bol sur sa tête ça n'avait pas l'air d'être ce qu'elle espérait. En fait c'était son anniversaire. Les voisins sont arrivés plus tard avec un carton rempli de bières, et, le bide en vrac, c'est très timidement que je l'ai acceptée. Mais la 2ème puis la 3ème étaient vraiment de trop, et, toujours, le refus impossible, j'ai du vider la dernière dehors tellement leurs yeux étaient rivés sur moi: FINI!!! Le lendemain matin ce seront trois shot de vodka qu'on me tendra, et même topo, pas de refus, et, encore moins la vodka que viennent d'offrir nos invités! Déjà le troisième jour mon estomac faisait une crise de nerf. Le soir qui suivi, un curieux invité sera hébergé par Bolt et Namda. Curieux invité qui, au milieu de la nuit est venu squatter mon lit. J'allume la lumière, outrée par les techniques d'approche mongoles, lui montrant son lit, il me répond "I love you, chuuut, I love you". Y a pas de "je t'aime" qui tienne, retourne dans ton pieu. À force d'insister, il est réparti comme il est venu, sur la pointe des pieds. J'ai pas fermé l'œil de la nuit, hallucinée plus que craintive, j'avais déjà hâte de raconter ça à Namda. Elle ne cessera pas de rire. Plus tard, alors que nous travaillions à construire un enclos en bois, Bolt m'a fait la plus belle des surprises : il s'est mis à agiter les bras, parler en mongol, me montrer les moutons et me tendre les rennes du cheval. J'ai cru mal comprendre, ce qui pouvait être fort probable, mais Namda arrive et confirme ce qui me paraissait inconcevable. Il me demandait d'aller chercher les moutons à cheval et de les ramener, seule. Quel bonheur, quelle liberté, quelle sensation de plénitude que de galoper dans la steppe sur mon cheval, pour aller ramener les moutons en poussant des cris d'animaux sans me soucier du "qu'en dira-t-on". Six jours se sont écoulés comme ça, avec beaucoup de nouvelles expériences, de surprises et de rebonds, de galère, de fous rires, de communication partielle, d'apprentissage. Cuisiner du beurre, du fromage blanc, toute sorte de choses à base de farine et d'huile, le chai et la soupe, etc.. J'ai eu l'occasion de me brûler maintes et maintes fois au poêle, de perdre la sensation de la première phalange du majeur (à force de découper la viande) qui après deux semaines n'est pas revenue, chanter des chants traditionnelles Français contre kazakh (À vous dirai-je maman, je sais, j'aurais pu trouver mieux), et tellement d'autres choses. J'ai également offert à Namda mon parfum Dior "J'adore", me faisant toujours le signe "pchit pchit" lorsqu'elle parlait de Paris, je me suis dis que ça lui ferait plaisir. Bien que le "merci" soit rarement utilisé en Mongolie, elle n'a pas arrêté de me répéter "Bairla" pendant tout la journée. Si elle savait tout ce qu'elle m'a offert à moi.. Le Mercredi 5 Juin, Soko est venue me chercher, toujours aussi aimable. Je dis au revoir à la famille avec beaucoup d'émotion, c'était fabuleux.
28 mai 2013

Saibaino !

Oups, voilà un moment que je ne me suis pas mise à jour, la Mongolie et sa magie me font oublier le temps qui se presse de plus en plus précipitamment depuis que je suis sur le "retour". J'en profite pour vous donner mon numéro, pour toute réclamation, au cas où parmi les derniers lecteurs qui continuent de me lire l'un d'eux ait une question : 00976 94341526 ! Alors voilà l'article que j'avais commencé dans le Transmongolien en quittant la Chine il y a deux semaines :) "C'est dans le train que je vous écris aujourd'hui, 15 Mai, 30h de voyage devraient suffire à vous débiter mes aventures des semaines passées (aparté: du coup non) Je débute mon retour à travers le continent, à commencer par le Transmongolien, long de 5642km (Beijing en Chine, Oulan Bator en Mongolie jusqu'à Ulan Ude en Russie). Je m'arrête pour le moment au kilomètre 1550, à Oulan Bator et reprendrai ma route le mois prochain. Installée sur la couchette, le paysage défile et ce sont de grandes montagnes qui se dressent de part et d'autre du train, parait même que je vais voir la "Mère-Muraille" (non Nanou, pas Michelle) de ma fenêtre. Je repense à tout ça, la Chine, le voyage, le temps qui passe aussi vite que les paysages à ma fenêtre. Je repense à Marie-Alix et Guillaume, qui m'ont accueillie comme une reine à Pékin chez eux, et à tous ceux qui ont fait de même sur ma route, alors qu'ils ne me connaissaient pas. Je me rends compte à quel point j'ai de la chance, qu'on ait mis tous ces gens fabuleux sur mon chemin, que ma bonne étoile m'ait déblayé la route de tout problème, et que je n'ai qu'à rouler dessus sans réfléchir. Du courage? On m'en parle souvent de celui-là, moi je me sens plutôt chanceuse que courageuse, plutôt privilégiée que méritante. Mais les vacances sont bientôt finies. Je crois que la Chine était l'un de mes objectifs enfouis, motivant mon départ en Asie il y a 4 ans. Je gardais en tête des images fortes, tirées ou d'un film marquant vu en primaire (Le Roi des masques, de Wu Tianming), ou d'un livre lu au collège (Balzac et la petite tailleuse chinoise, de Dai Sije), ou bien encore de l'admiration pour mon oncle qui décrivait ce pays dans lequel il y a passé beaucoup de temps. On garde tous des images, en réalité des "préjugés" sur lesquels est basée l'idée qu'on se fait de quelque chose, même si cela reste inconscient. C'est sur cette base complexe d'images, d'idées reçues, que mon choix s'est dirigé vers la Thaïlande en 2009. Et je quitte aujourd'hui la Chine, ce pays de toutes les surprises, qui m'est parfois apparu plus authentique que tout ce que j'ai pu voir de l'Asie du sud-est jusque là, malgré cette course au progrès, appétit terrible et sans fin, et malgré une modernité qui dépasse même ce que je connais en France. L'impression d'authenticité tient du fait que même si le traditionnel perd de sa valeur devant l'ombre gigantesque des nouveaux gratte ciels, construits comme des œufs sont pondus, moins de "backpackers" visitent ce pays, et 80% du tourisme est chinois. Tout ça pour dire que la Chine j'ai aimé, adoré même. Parce qu'aussi, la Chine a été une découverte de tous les jours, changeant continuellement d'opinion à son sujet, je l'ai détestée, adorée, elle m'a amusée, impressionnée, emmerdée, et aujourd'hui je pars déjà et sans la regretter, je sais pourtant que beaucoup d'autres découvertes m'attendaient car la Chine est passionnante. Après un petit intermède "Photo" indispensable si vous tenez à ressentir un peu de "Chine" depuis votre écran, je vous ai concocté un résumé retraçant mon parcours depuis Chengdu, jusqu'à Beijing, en passant par Chonqching. Bon et puis je tiens à vous prévenir d'avance que j'ai rédigé mes articles avec un sens critique aussi aiguisé que caricatural, donc à prendre à la légère..." Bonne lecture !
28 mai 2013

Intermède photographie

On a tous cette image du Chinois à Paris qui photographie n'importe quoi. L'objectif toujours braqué sur le moindre instant présent, le Chinois dégaine son engin plus rapidement que Lucky Luke, et en un clic, fige le monde qui l'entoure. Que ce soit la Muraille de Chine, la Tour effeil, un poteau électrique ou une poubelle, l'entrain est le même. Et quel engin! Toujours plus gros que celui du voisin, ce sont des séries d'objectifs, de téléobjectifs, parfois plus longs et plus lourds que ce qui nous est possible de porter. Complexe de taille ? C'est donc à travers cet objectif que le touriste Chinois vit par procuration, et fait vivre ses vedettes. Ces vedettes qui posent comme des stars, devant cette tour Effeil ou ce poteau électrique, la pose est toujours soignée et travaillée. C'est parfois devant des séries de "poseuses" qu'il faut slalomer, baisser la tête pour passer sous le faisceau de capture, faire du "oula-houp", attendre (mais la vedette a toujours un pose en rab') ou, finalement, passer négligemment devant en n'oubliant pas le sourire à la caméra. Ça tient parfois du ridicule, du risible, de l'exagéré, mais on aime. Les Chinois ont définitivement quelque chose avec les photos, ressembler aux stars de magazine, sauvegarder le "fake", couvrir les murs de sa maison de clichés superficiels, c'est une vrai mafia de la photo qui s'organise dans la ville. Des enseignes se font concurrence, d'encadrement, d'agrandissement, de mises en scène, de faux-présent garanti. C'est troublant. Mais le pire n'était pas là. Durant mon voyage, j'ai pris l'habitude de me sentir regardée, observée, étant une blanche, dans beaucoup de pays d'Asie c'est intriguant. Je ne sais pas ce qui a changé par rapport au reste de mon voyage, je ne sais pas pourquoi c'est différent. J'y ai réfléchi, peut-être est-ce le fait que ce ne sont plus des yeux qui me regardent mais des appareils photos. Peut être encore que j'étais habituée aux sourires, aux "bonjour", ou aux rires gênés de mes observateurs népalais ou thaïlandais lorsque je croisais leur regard, alors que le Chinois lui fait tout à coup semblant de s'intéresser au panneau "WC" accroché derrière toi. Je me suis sentie soit star, soit monstre de foire, célébrité ou extra-terrestre, et pas dix minutes se passaient sans que je croisais le regard d'un objectif Nikon ou Canon, parfois Pentax ou smartphone. Je ne saurai pas dire ce qu'ils font de ces photos de moi. Remarque, je ne sais pas non plus ce qu'il font de la photo du poteau électrique. Mais le marrant au fil du temps devient ennuyant. Cependant, parfois, c'est gentiment qu'on vient te demander de se prendre en photo avec toi, alors, super heureuse qu'on te loue un esprit et une pensée, tu acceptes. Puis tu vois sa casquette jaune fluo et tu comprends qu'il fait parti d'un groupe touristique, et c'est tout à coup une file de chinois qui attends son tour pour se prendre en photo avec toi! Très flatteur, c'est là que tu envies les chinoises et leurs poses semi-spontanées, tu aimerais toi aussi tout à coup avoir un peu d'expérience dans le domaine. C'est ainsi que le monde chinois, oppressant et flatteur, exubérant et joyeux, s'impose à toi sans transition et demande longue réflexion, et patience pour être compris, choses qui m'ont fait quelque peu défaut je l'avoue :)
28 mai 2013

Semaines 36 et 37 - Entre Chengdu, Chonqching et Beijing

Je me suis heurtée à bien des choses en Chine, surtout des Chinois, et pour cause, une appréhension de la vie, de l'espace et du temps bien différente. (Psychomot' quand tu me tiens!). Si je m'étale tant au sujet des masses touristes, des appareils photos et des shooting c'est parce que j'ai fait beaucoup de visites, et que j'ai passé le plus clair de mon temps à essayer de comprendre. Et c'est durant ces visites, les trajets en bus ou les longues marches en ville que j'aime observer les autochtones dans leur quotidien, leur manière de vivre, parler, marcher ou danser. Et là, Bim. La Chine m'avait réservé quelques surprises. Je me suis rendue compte des différences culturelles à travers mes différents chocs, qu'ils aient été physiques ou psychologiques. Toujours mon esprit critique avec moi, main dans la main, nous avons pris des bosses. Je m'explique. Après avoir salué le grand Bouddha du Leshan, c'est dans un opéra que je me suis retrouvée, avec une canadienne nommée Elizabeth, pour assister à une représentation traditionnelle: acrobaties, danses, marionnettes, musique, ombres chinoises et le plus impressionnant, le "changement de masque", art très réputé à Chengdu. Faut bien investir de temps en temps en "sorties culturelles", non? L'indiscrétion des Chinois était à son comble, tout le monde parlait haut et fort, et mon esprit critique s'est énervé, en prenant un pour taper sur l'autre, je lui ai rappelé que les différences culturelles se posent là. Les changements de masque étaient spectaculaires et le talent des artistes a même réussi à me faire oublier le vacarme dans la salle. Mais la journée du lendemain m'attendait fermement. Le vendredi 3 Mai, je suis donc partie jeter un coup d'œil au refuge des grands nounours. J'ai honte de l'avouer mais ma patience a foutu le camps ce jour-là, et j'ai vraiment cru que j'allais laisser mon esprit critique en prendre un pour taper sur l'autre. Alors que la sérénité s'impose devant ces grosses bêtes poilues qu'on voudrait serrer dans nos bras, alors que des panneaux tous les 50 mètres nous somment de se tenir silencieux et respectueux dans toutes les langues, c'est à grand coup de bouteilles de plastiques que les Chinois essaient d'attirer l'attention des pandas pour faire un bon cliché, et c'est à grand coup de regards méprisants que j'ai tenté d'intervenir, mais bon, c'était pas vraiment efficace. De mauvais poil, je me trimballais d'enclos en enclos tous en essayant d'optimiser mon sens compréhensif et de ravaler mon sens critique. Mais les objectifs d'appareil photo braqués sur moi n'ont pas joué en leur faveur. Un "bonjour", un sourire auraient suffit, mais leur manière de me considérer comme une image a mis ma patience au tatami. Après cette visite (qui au passage était très agréable quand même), je suis remontée dans un bus, les yeux révulsés de rage prête à mordre le premier regard que je croiserais, et suis allée acheter mon billet de train pour Chonqching avant de rentrer à l'auberge de jeunesse. Décidément levée du mauvais pied, je décharge mes tensions sur mon journal de bord , 7e édition, avant de partir manger une fondue locale avec Elizabeth, une canadienne. C'est autour de cet immense "hot pot" plein d'huile bouillonnante que nous découvrons la spécialité du coin. Après avoir jeté quelques regards, à mon tour, indiscrets sur les tables voisines, pour être sure de ne pas mélanger le vinaigre au piment, ou la sauce avec le thé, il faut aller chercher les brochettes. Alors tu vas dans la salle d'à côté, plateau en main, pince dans l'autre, et choisi parmi une centaines variétés : viandes, légumes, tofu, champignons ou fruits de mer, et tu pars à la cueillante en priant à chaque fois pour que ce soit bien ce à quoi ça ressemble... Apres s'être rassasiées, brûlées la trachée et questionnées sur la nature de certaines viandes, j'ai pris soin de photographier leur nom en caractère chinois, car cette viande à trou toute caoutchouteuse m'avait posé question. J'ai su après qu'il s'agissait de poumons, et qu'Elizabeth a mangé des pâtes de poulet pensant que c'était du calamar. Bon appétit ! J'ai rejoins Roxane à Chonqching le lendemain. Sueur sous les aisselles, chaussures de trek sur chaussette de trois jours, cheveux en semi-boule dans un élastique détendu, rides post-réveil et haleine caractéristiques, j'avais la classe du baroudeur amateur des trains. De loin je l'ai reconnue, très élégante, et la honte m'a gagnée. C'est en Chine que j'ai vraiment commencé à ressentir le besoin de mettre autre chose que mes 3 pantalons, 5 T-shirt, tongues et chaussures de trek. Bref, Roxane m'avait déjà préparé une chambre, et tout ce dont j'aurais pu avoir besoin était là. J'ai pu avoir un aperçu de sa vie de business woman, à l'Alliance française, et, faisant son possible pour se libérer du temps, elle m'a fait visiter Chonqching, les grottes de Dazu, m'a fait goûter à la fondue la plus pimentée du monde (s'en ai suivie la courante la plus express de ma vie), m'a présentée à ses collègues, m'a emmené au stand de brochettes dans la rue, au bar réputé du coin, au centre ville illuminé la nuit. Bref, ce n'était que 3 jours, mais j'ai vraiment adoré. J'ai repris le train le mardi qui a suivi, direction Pékin. Les 29 heures de voyage ont été l'occasion de finir "La guerre des boutons", mettre à jour mon journal, et de rencontrer des Chinois adorables. Pendant que les uns jouaient aux cartes en famille, pariant des sous pendant 10 heures durant, je discutais avec Sunshine et Anni (elles ont choisi elles-même leur prénoms anglais) professeurs d'anglais. Heureuse de pouvoir converser avec des chinois, Sunshine m'a même offert sa soupe de nouilles instantanée, voyant que je n'avais pas vraiment prévu le coup. A 22h nous arrivons dans la capitale, échangeons nos numéros et partons chacune de notre côté. Le mien sera le métro. Je profiterai de la journée qui suit pour aller acheter mon billet de train pour la Mongolie, faire mon Visa, et retrouver les deux chinoises de la veille dans un bar situé aux Hutong, dans la rue la plus connue. Et, mes amis, c'est du Pastis que j'y ai trouvé, à ma grande surprise, et ma grande joie je dois l'avouer. Une courte et chouette soirée en leur compagnie, durant laquelle j'ai appris qu'une chinoise ne boit rien de froid et ne se lave pas les cheveux durant ses règles, elles-mêmes ne sachant pas vraiment pourquoi. La cité interdite a été une belle visite, quelque peu bondée, mais bon on est à Pékin ou on y est pas! Parlons psychomotricité. On le sait, chacun a son rythme, sa perception de l'espace et du temps. A mon insu, j'ai découvert que même au sein de différentes cultures on peut observer des divergences. Prenons, par exemple, une française lambda, quelque peu désorientée mais qu'on pourra situer dans la moyenne. Imaginons par le plus grand des hasards qu'elle se retrouve en Asie, prenons la Chine par exemple. On la met dans une ruelle un peu bondée mais pas trop, et on lui demande de marcher deux kilomètres. Bim, Bam, boum. En effet, résultat étrange. Du fait de ma taille, plus grande que la moyenne asiatique, je m'étais déjà habituée aux passages de portes plus bas, aux sièges plus étroits, aux sous-vêtements toujours trop petits, etc... Mais, en Chine je n'ai pas arrêté de me cogner aux chinois, de trépigner derrière, de râler contre un autre qui se déporte, être victime de mauvais calculs spatiaux, me prendre des coups de sacs, des coudes, etc... Des différences de perception incroyables et bien palpables, dès mon arrivée à Kunming jusqu'à Beijing, je n'ai pas arrêté de me heurter aux chinois, râlant au début contre soit leur lenteur soit leur inattention, avant de comprendre que j'étais bien la seule à me cogner. Ce que j'appelais une notion de l'espace où "personne d'autre n'existe que moi", était en fait une perception spatiale simplement différente de la mienne. Du coup, la Cite Interdite, une visite qui reste incontournable, a été une série de heurts. Je mange sur le pouce et fonce à la guesthouse, récupére mes sacs, fonce de nouveau à l'ambassade, récupère mon Visa pour foncer toujours, mais cette fois-ci devant le lycée français international, où j'avais rendez-vous avec Guillaume. J'y rencontre immédiatement Amory et Grégoire, deux petits anges. Je suis restée 5 jours dans cette famille française, et j'ai vraiment été chouchoutée. Entre des parties de billes ou de "cochon qui rit" avec Amory, entre une tartiflette et des tartines au beurre, les écuries excessivement prestigieuses du quartier, la visite de la grande Muraille de Chine, le Palais d 'Été, j'ai oublié mon 35 litres un moment. J'ai pu me rendre à l'hôpital international pour recenser mes dizaines de plaques d'eczéma, et à la manière d'un mécanicien le docteur chinois m'a auscultée comme une machine, et c'est avec un débit surhumain qu'elle m'a inondée d'un flot de question dont la rapidité tenait du jeu télévisé. J'ai passé la dernière journée au Palais d'Eté, au milieu d'une foule écumante je me suis laissée emporter, autour d'un lac splendide. En s'éloignant un peu on retrouve le calme, l'architecture chinoise et des ponts magnifiques, des saules pleureurs qui caressent l'eau, les petits kiosques offrant des vues formidables, des chinois qui se promènent, en famille ou en amoureux, une fin en beauté sur les terres chinoises.

2 mai 2013

Check Up des 8 mois

- État général: au top de la forme, quelques peu odorante (zone hivernale associée à la présence d'un seul ensemble chaud dans mon 35L), perdu un peu de surplus pendant le trek - Carrosserie: intacte, malgré quelques impacts eczémateux (on n'y échappe pas même sur le continent de la zenitude!). - Peinture : quelques peu fissurée mais pas encore rouillée. Couleurs inversées, pieds blancs et gambettes bronzées (port intensif de chaussures de trek). Cheveux définitivement blonds, le reste définitivement blanc (Échec) - Niveau d'huile/essence: prête pour killer les Kil' - Impact CO2: le train c'est mieux que l'avion, mais j'ai abandonné la mission "ramassage d'ordures derrière les autochtones" (mon 35L aurait tiré la tronche) Kilomètres au compteur: ?? Kilomètres avant arrivée : environ 15 000 km Itinéraire prévu: Beijing (Pékin pour les intimes) - Oulan Bator (Mongolie) - Irkust (Russie/Lac Baikal) - Vladivostok (sortez l'Atlas, c'est tout à droite) - Moscou (je suis sure que vous situez)- St Petersbourg (un peu plus haut)- Talinn (Estonie) - Lettonie - Lituanie - Pologne - Berlin et Freiburg (Allemagne) - Zurich et Lausanne (Suisse) - France Retour prévu : Pour le BBQ (Août) Voyons un peu ce que j'ai fais de mes deux/trois dernières semaines :) J'y ai glissé beaucoup d'inventions de mots, bon courage, bonne lecture et bon "pont du travail".
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